AUJOURD’HUI RIEN de Christophe Pellet : Pavese, Lagarce et moi

Si vous n’aimez pas le cinéma expérimental, on serait tenté de vous conseiller de passer votre tour au sujet de ce long-métrage hybride et très particulier de Christophe Pellet. Vous pourriez trouver ça ennuyeux comme la pluie… tandis que d’autres trouveront ça beau comme la pluie.

« Aujourd’hui rien » s’inspire des journaux intimes écrits par Cesare Pavese et Jean-Luc Lagarce. Le premier était hétéro, le second gay. Ils avaient en commun un rapport complexe, passionnel et paradoxal à l’amour, la sexualité et la solitude. Le réalisateur Christophe Pellet s’approprie ces « oeuvres brutes », ces « écrits de cafés » en les mêlant à ses propres réflexions et expériences. Le résultat est singulier à souhait faisant se succéder de nombreuses citations, des scènes abstraites avec des chats et des moments intimes de passion avec plusieurs garçons.

Il n’est pas toujours évident pour le spectateur de tout suivre et de tout comprendre mais c’est le type d’oeuvre pour lesquelles il faut typiquement se laisser porter. Le film s’envole quand il est directement incarné par des acteurs et modèles, très charnels et fantomatiques, se donnant tout entiers à la caméra. L’ivresse du plaisir, le mirage des romances, le désenchantement amer des disparitions : sur la musique de The Delano Orchestra, la chair est à la fois belle, crue et triste.

Alors que ce qui est narré est plutôt à vif, « Aujourd’hui rien » distille paradoxalement une sorte de quiétude, propre à la poésie et à la grâce de l’écriture. C’est un moment d’introspection, une curieuse proposition de cinéma qui ne ressemble définitivement qu’à elle-même. Un défaut pour certains, une des plus belles qualités pour d’autres. Cerise sur le gâteau : la présence dans l’un des rôles principaux de Pierre Emö, objet une nouvelle fois de tous les plaisirs et de toutes les obsessions.

Après une présentation au Festival Chéries Chéris 2017, le film sort en salles le 24 avril 2019