FICTIONS LGBT

2 GARÇONS, 1 FILLE, 3 POSSIBILITÉS d’Andrew Fleming : drôle de trouple sur le campus

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Eddy (Josh Charles), jeune étudiant, arrive sur le campus et découvre son drôle de colocataire Stuart (Stephen Baldwin), obsédé par l’idée de coucher avec tout un tas de filles. A côté de leur chambre reste une pièce vacante où va venir s’installer, suite à un problème administratif, Alex (Lara Flynn Boyle). A cause de son prénom portant à confusion, l’étudiante a été prise pour un garçon et se retrouve donc à devoir plus ou moins cohabiter avec deux mâles, ce qui ne l’enchante guère. Après des premiers jours difficiles, Eddy, Stuart et Alex font connaissance.

Si elle est tout à fait insensible aux avances lourdingues de Stuart, Alex craque pour le charme et la douceur du cultivé Eddy et le drague ouvertement. Mais Eddy reste de marbre avant de lui annoncer qu’il est « sexuellement ambivalent » et qu’il pense être plutôt attiré par les garçons (il n’a jusqu’alors eu aucune expérience sexuelle). Contre toute attente et malgré une configuration pour le moins compliquée (Stuart est attiré par Alex qui ne le désire pas et aimerait coucher avec Eddy qui lui est sous le charme de Stuart), les trois roommates vont devenir inséparables, formant un trio aussi fusionnel qu’ambigu, se coupant des autres membres du campus pour vivre une relation comme hors du monde, avec leurs propres règles et leurs propres jeux. L’équilibre de leur amitié teintée de désirs refoulés est fragile. L’espace d’une année, ils vont connaître des hauts et des bas, grandir, se découvrir et se construire des souvenirs inoubliables…

deux garçons une fille trois possibilités

Comédie teen ayant grandement fait parler d’elle lors de sa sortie en salles, Deux garçons, une fille, trois possibilités (Threesome en VO – en référence aux initiales de la chambre des trois protagonistes portant l’inscription « 3S » ), portée par sa folie douce et son énergie, continue de séduire des années après. Pour un divertissement mainstream, le scénario d’Andrew Fleming est pour le moins culotté. Le premier rôle est tenu par un jeune gay, les deux autres membres du trio parlent de sexe la majeure partie du temps, tout le monde apparaît comme curieux, ouvert. Sur un campus légèrement débridé, Eddy, Stuart et Alex s’illustrent dans des scènes aussi hilarantes (celle de la bibliothèque lors de laquelle Alex se masturbe sur une table, émoustillée par les mots délicats de son camarade Eddy) que furieusement sensuelles (les différents passages où les amis tentent de s’accorder en tant qu’amants).

La voix off d’Eddy en ouverture nous explique que le récit qui va suivre nous montrera comment lui et ses deux camarades se sont éloignés des codes, des chemins balisés, le temps d’une année, devenant des sortes de « déviants ». Personne ne semble comprendre le lien qui les unit et aucun garçon ni aucune fille ne parviendra à s’immiscer durablement dans leur quotidien, à briser leur complicité. Ils sont jeunes, séduisants, libres. Ils souffrent parfois de leurs différences mais s’adaptent. Alex rêverait de former un couple avec Eddy mais doit composer avec le fait qu’il ne parvient pas à la désirer. Stuart est conscient de ne pas être celui dont rêve Alex mais, patiemment, attend, espérant qu’il pourra un jour s’unir physiquement à elle. Stuart n’est également pas dupe et se doute bien qu’il est l’objet des fantasmes d’Eddy, qu’il ne peut à son tour retourner, concrétiser… C’est un drôle de triangle amical et amoureux, à la fois très enfantin (ils passent leur temps à se chamailler, à jouer, fuir la réalité et les responsabilités) et un poil audacieux (leur faculté à essayer de se dépasser pour former une sorte de trouple équilibré – Eddy va tenter de coucher avec Alex, Alex finira par accepter les avances de Stuart et ce dernier laissera ,le temps d’une étreinte, son pote le caresser un peu…).

deux garçons une fille trois possibilités

L’étrangeté de la relation des trois étudiants renforce leur complicité en même temps qu’elle les marginalise. On ne les voit pratiquement jamais étudier, comme pour marquer leur obsession dévorante les uns pour les autres. La vie n’existe que quand ils interagissent entre eux. Histoire de désirs, de découverte de la sexualité, de ses possibilités et de ses limites, ce long-métrage pétillant et jouissif se révèle aussi drôle que sensible et témoigne de belles qualités d’écriture. Peu à peu le côté juvénile laisse place à un aspect plus nostalgique. La vie étudiante, bulle de désir et d’insouciance, ne dure qu’un temps. La fin de l’année scolaire approche à grands pas et après elle plus rien ne sera comme avant. Le trio finira alors par devenir une sorte de paradis perdu, un souvenir merveilleux et un peu fou, victime comme tant d’autres du temps qui passe, de l’entrée dans le monde adulte.

C’est à la fois très divertissant et malin, légèrement potache tout en étant à fleur de peau. Les personnages, assez caricaturaux à la base, révèlent petit à petit une belle profondeur, deviennent un peu nos propres amis (on pense notamment à Stuart, assez fatigant et lourd au départ mais qui se révèle tout aussi fragile que ses deux camarades). Les trois jeunes acteurs sont fantastiques et achèvent de rendre ce film générationnel extrêmement attachant.

Film sortis en 1994 et disponible en DVD

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3