CINEMA
PERDRIX d’Erwan Le Duc : maîtrise de la fantaisie
Premier long-métrage du français Erwan Le Duc, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 2019 à Cannes, Perdrix affiche la promesse d’un cinéma coloré et décalé avec un casting plein de charme : Swann Arlaud, Maud Wyler, Fanny Ardant et Nicolas Maury en sont les têtes d’affiche.
Nous suivons Pierre (Swann Arlaud), membre de la famille Perdrix, vivant dans une petite ville sans histoire ou presque : un tank est posé pour une énigmatique reconstitution de guerre et des nudistes révolutionnaires traînent dans les parages. L’un d’eux s’en prend à Juliette (Maud Wyler) qui se fait voler sa voiture contenant des carnets chers à son coeur. Désemparée et énervée, la jeune femme va à la gendarmerie du coin où Pierre travaille. Un jeu de séduction assez enfantin s’instaure instantanément entre eux. Lui est un gentil gars dans sa routine, vivant encore chez sa mère veuve (Fanny Ardant) avec son frère largué (Nicolas Maury). Elle est complètement imprévisible et va forcément bousculer ses habitudes. Et si c’était le début d’une aventure ?
Ce premier film ne manque pas de qualités. Déjà ,donc, un beau casting de gueules de cinéma avec un jeu singulier et très identifiable. C’est une oeuvre qui fait la part belle à l’écrit : c’est plein de bons mots, de jolies citations, de références. On note notamment cette réplique : « Le faux c’est l’au-delà. Plus on est faux plus on est libre ». Paradoxalement, Perdrix est, lui, un métrage peut-être un peu trop maniaque qui ne s’autorise pas assez de choses.
Il y a certes beaucoup de fantaisie, de poésie, un côté désuet assez charmant. Mais la mise en scène, très étudiée, très belle, hyper soignée (le travail sur les couleurs force l’admiration et il y a des passages vraiment touchés par la grâce) a ce je ne sais quoi d’étriqué par moments. Ça se regarde un peu filmer et on peut avoir le sentiment d’être devant quelque chose de si pensé et contrôlé que l’émotion a parfois du mal à passer et que les intentions des scènes apparaissent surlignées.
Perdrix ressemble à pas mal de premiers films français pop indé et son univers m’a beaucoup fait penser à celui de Dominique Choisy, dont le très beau « Ma vie avec James Dean » est sorti en début d’année. Et il manque à Erwan Le Duc la légèreté, cette sincérité palpable, cette générosité, ce souffle qu’il y a dans le cinéma de Choisy. Ça ne respire pas assez et on finit par trouver le temps un peu long.
On ressort de la salle un peu perplexe, curieux de voir un autre film de ce cinéaste qui a indéniablement du talent mais qui n’a pas encore franchement celui de rendre son cinéma tout à fait limpide et accessible. On en garde tout de même de belles scènes, de belles images et on avoue avoir craqué pour le très choupi Alexandre Steiger dans un second rôle gay touchant.
Film sorti le 14 août 2019