CINEMA
ALL THESE SLEEPLESS NIGHTS : la jeunesse de Varsovie par Michal Marczak
Je suis tombé par hasard sur la bande-annonce de All these sleepless nights et j’ai été instantanément happé. Portée par la musique envoûtante d’un remix de « Can’t do without you » de Caribou, elle laissait deviner un film intense, abstrait et poétique sur la jeunesse de Varsovie. Et c’est bien le cas !
Le réalisateur Michael Marczak a suivi pendant 10 mois Krzysztof Baginski, un jeune polonais en pleine quête identitaire. Vingtaine d’années, pas de boulot, une soif de vivre, d’aimer et de vibrer énorme. A cheval entre fiction et documentaire, ce projet à la bande-originale électro démente dresse le portrait d’une jeunesse qui se cherche.
Comme le titre du métrage l’indique, l’action se passe majoritairement la nuit. Pendant quasiment une année, Krzysztof savoure la fin de la vie étudiante, refuse de rentrer dans le rang, être adulte et travailler. Il veut être « éveillé » et en compagnie de son meilleur ami Michal Huszcza ils sortent tous les soirs en quête d’une bonne soirée quand ils n’organisent pas leurs propres sauteries. L’alcool coule à flot, la drogue circule. Tout est bon pour faire perdurer l’intense magie de la nuit, ce moment où tout semble possible et où, imbibés, les garçons et les filles se rapprochent, s’enlacent, s’aiment ou se détruisent.
Les substances plus ou moins licites servent à faire de la vie une fête permanente. Jusqu’à l’obsession, les protagonistes marchent, courent dans les rues, dansent, font l’amour ou se risquent à des discussions sur le sens de la vie. All these sleepless nights a ce parfum des nuits à la fois évanescentes et mémorables. Krzysztof ne cesse de le répéter : il veut garder tous ces instants qu’il vit, cette jouissance d’être libre, de tout s’autoriser, sans entraves. Il est toujours enveloppé de musique et entouré de gens. Il rêve les yeux grands ouverts. Il aime sans filet quitte à se tromper, à blesser, à être égoïste.
L’ensemble est entêtant à souhait et montre bien la beauté comme les travers d’une certaine jeunesse oisive qui ne veut pas se confronter aux responsabilités. A la place, on cherche l’excès, on teste les limites, on prend la vie comme un jeu quitte à la mettre en péril. La très belle mise en scène évoque le cinéma de Joachim Trier. L’errance et le vertige du vide convoquent pour leur part des personnages qui ne sont pas sans rappeler l’univers nihiliste de Bret Easton Ellis.
Le réalisateur ne fait pas de son « personnage principal » un héros, bien au contraire : Krzysztof est montré dans toute sa beauté juvénile, touche par son visage d’éternel enfant rêveur comme il peut agacer par son relatif narcissisme ou son égoïsme. Abstrait à souhait, ce long-métrage atmosphérique fait émerger tout un tas de souvenirs et de sensations. On pense à son meilleur ami, aux fêtes qui s’éternisent jusqu’au petit matin, aux histoires de coeur qui renversent tout et troublent les liens.
All these sleepless nights fait au final l’effet d’un poème tout en captant l’énergie et les espoirs d’une génération qui se voudrait éternellement libre.
Le film n’est pas sorti en salles en France mais « peut se trouver » sur Internet (à défaut de mieux)