FICTIONS LGBT
WONDER BOY, OLIVIER ROUSTEING, NÉ SOUS X de Anissa Bonnefont
La réalisatrice Anissa Bonnefont a suivi le styliste français Olivier Rousteing à une période clé de sa vie : celle où il a décidé de tenter de retrouver la trace de sa mère biologique qui l’a abandonné dès la naissance. En résulte un documentaire très émouvant et attachant.
Tout semble sourire à Olivier Rousteing. Directeur artistique de la maison de mode Balmain, son audace et sa créativité lui valent d’être fréquemment encensé par la presse spécialisée du monde entier, de collaborer avec quelques-unes des plus grandes stars. Reconnaissance de ses pairs, une vie de luxe, un magnifique appartement, des millions de followers sur les réseaux sociaux… Cette success story, ce jeune trentenaire ne l’a pas volée : il a travaillé dur et continue de le faire. Trop sans doute. Son travail dévore son quotidien, il n’arrive pas à s’arrêter et c’est sans doute ce qui fait qu’il côtoie les sommets. Mais cela a un prix : une solitude qu’il ne cache pas devant la caméra. Il a beau être adulé, on le voit peu avec ses amis et au moment du tournage on peut le voir espérer une romance avec un garçon via une application de rencontres privées et craindre que personne ne matche avec lui…
S’il a la reconnaissance professionnelle et le confort matériel, Olivier Rousteing cherche l’amour sous toutes ses formes. Il porte une plaie ouverte : il a été abandonné à la naissance. Il a eu de la chance : la famille qui l’a adopté lui a donné toute l’affection dont il avait besoin et lui a offert une belle éducation lui permettant en partie d’être là où il est aujourd’hui. Mais il a besoin de savoir d’où il vient, comprendre l’abandon à l’origine de son existence. Il entreprend les longues démarches pour retrouver la trace de sa mère et le film le suit dans cette aventure faite de menus espoirs et de grands chocs émotionnels. A travers ce documentaire très intime, il livre en quelque sorte une lettre ouverte à cette mère absente, rêvant peut-être naïvement qu’elle pourra reprendre contact avec lui après la vision du métrage.
On peut penser ce que l’on veut de l’univers de la mode, Wonder Boy touche droit au coeur car ce qu’il raconte est universel. Olivier Rousteing a beau être ce Wonder Boy du titre il n’est pas spécialement heureux, il ne se sent pas en paix avec lui-même. Le succès et l’argent ne compensent pas ce manque qu’il a, la rage qui va avec l’injustice d’avoir été abandonné. Il se donne beaucoup à la caméra et c’est ce qui rend le film si touchant : on peut le voir craquer à plusieurs reprises, sans filet. On imagine la ténacité et la force dont il a dû faire preuve pour être là où il est, on voit bien à quel point il est respecté et admiré. Mais quand il s’agit de sa mère biologique, il redevient un enfant fragile pouvant fondre en larmes d’une seconde à l’autre.
L’angoisse de ne jamais avoir le fin mot de l’histoire, de vivre avec un point d’interrogation permanent : c’est le lot de beaucoup d’enfants nés sous X et être riche ou célèbre n’y change rien. Si la trame principale est forte et parfois dure, la réalisatrice Anissa Bonnefont trouve un bel équilibre en alternant les scènes de doutes et de détresse émotionnelle à d’autres plus drôles, joyeuses, qui font également comprendre ce qui fait que Olivier Rousteing garde le sourire, reste plein de vie et de douce folie. Ce long-métrage est autant une déclaration d’amour à vif à une mère inconnue qu’à la mode, milieu difficile mais souvent si magique pour ceux qui ont réussi à s’y faire une place. On aurait aimé que ça dure plus longtemps, en savoir plus sur l’ascension de ce garçon singulier. Mais c’est le parti pris de l’oeuvre : rester sur un Instant T, montrer une tranche de vie, un quotidien. Et cela suffit pour divertir et émouvoir.
Film présenté au Festival Chéries Chéris 2019, sorti en salles le 27 novembre 2019 et disponible sur Hello, la chaîne LGBT de My Canal