FICTIONS LGBT
HE LOVES ME de Konstantinos Menelaou : vertige d’amour
Avec He loves me, le réalisateur grec Konstantinos Menelaou délivre un premier long-métrage personnel, atypique et poétique. Un peu comme si Terrence Malick s’essayait à raconter une histoire d’amour gay.
Deux beaux garçons (Hermes Pittakos et Sanuye Shoteka) partent en vacances sur une plage de rêve isolée. Ils sont au coeur de la nature et en profitent pour libérer leur corps, paresser au soleil, se donner du plaisir… Ce break loin de la ville et de son rythme parfois asphyxiant est idyllique sur le papier. Mais comme certains couples ont déjà pu hélas en faire l’expérience, se retrouver en vacances avec personne autour dans un coin perdu, avec rien de particulier à faire, peut réveiller de sombres pensées. Ce qui devait marquer le rapprochement des deux hommes amoureux finit en confrontation. Ils en viennent à se demander s’ils vont rester ensemble ou s’il ne vaudrait pas mieux qu’ils se séparent…
Ce n’est pas le genre de films qui fait l’unanimité et c’est sans doute aussi pour ça qu’ici on aime. Le réalisateur Konstantinos Menelaou opte pour la poésie et des parti pris proches du cinéma expérimental. He loves me est articulé comme un long monologue en voix off, porté par la voix douce et presque hypnotique du comédien Thanos Lekkas. La vision de cette oeuvre singulière demande donc un certain effort, une concentration, un lâcher prise et se réserve avant tout à un public cinéphile et aventureux, adepte d’expériences cinématographiques qui s’affranchissent des codes traditionnels du cinéma. Bienheureux sera le spectateur patient car il sera récompensé par un texte très sensible et personnel qui sonde en profondeur le couple et se révèle très touchant et infiniment romantique.
Il n’y a qu’une voix off qu’on devine progressivement être celle du personnage interprété par Hermes Pittakos. Il raconte cette drôle de sensation qui est celle de trouver un grand amour qu’on n’espérait plus. Tout d’un coup le véritable Amour frappe et c’est aussi merveilleux que vertigineux. Surtout quand on est un peu autodestructeur sur les bords. Le long-métrage parle de la difficulté d’accepter l’affection que l’autre nous porte, du sentiment paradoxal mais bien réel de ne pas le mériter. Se dessine le portrait très intérieur d’un garçon qui ne s’aime pas vraiment, trop conscient de ses défauts et de ses travers, qui ne peut s’empêcher de se comparer à celui qui partage sa vie et qui le trouve trop parfait. L’amour absolu qui régit son quotidien le submerge. Alors il commence à tout casser, à saccager, est jaloux, parano.
He loves me évoque ce terrible instant où la personne la plus importante de notre vie peut devenir un étranger, quelqu’un avec qui l’on n’arrive plus à communiquer. Ce qui était la plus belle chose de notre vie devient une douleur.
Si le film, à la façon d’un roman, est composé de plusieurs chapitres, on pourrait le scinder en trois temps : un premier qui revient sur la magie de la rencontre et illustré par des images sensuelles et hédonistes, un second où l’angoisse gagne les pensées et où les corps s’éloignent et un troisième décisif où tout s’emballe.
A mille lieux des comédies romantiques ou drames sirupeux formatés, ce film d’amour-là montre que s’aimer c’est souvent compliqué, parfois destructeur, car nous sommes tous un peu des monstres. On peut si vite être insatisfait, faire des erreurs, du mal, se lasser. On peut, alors que pourtant on aime l’autre, avoir envie de s’éloigner de lui, de le défier. Konstantinos Menelaou sonde les tréfonds de l’âme et du coeur de son personnage et délivre à terme une belle réflexion sur le couple d’aujourd’hui avec une conclusion qui touche en plein coeur et donne à réfléchir. Tout cela va de pair avec une mise en scène charnelle qui sublime les beaux corps masculins comme la nature et une atmosphère onirique. Belle curiosité.
Film produit en 2018, sorti en DVD aux éditions Optimale et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen