FICTIONS LGBT

NO SKIN OFF MY ASS de Bruce LaBruce : rêve de skinhead

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Un coiffeur un tantinet excentrique (Bruce LaBruce) craque sur un jeune skinhead alors qu’il se balade dans un parc. Le skinhead a l’air paumé, comme abandonné. Le coiffeur lui propose volontiers son hospitalité et le jeune rebelle accepte sans la moindre appréhension. Son hôte lui prépare un bain dans lequel il se glisse comme un gamin, joueur et un poil aguicheur. Pendant ce temps, le coiffeur parle un peu dans le vide. Ses intentions sont à peine voilées : il propose au skinhead de rester chez lui, lui offre une chambre. Et alors que ce dernier y pénètre, il remarque que l’homme l’a enfermé à clé. Il s’enfuit de là, sans trop de mal, le lendemain matin, et va rendre visite à sa sœur, une cinéaste underground lesbienne plongée dans les screen test de sa prochaine production. Elle ne peut s’empêcher de charier son frère sur son look de skinhead et sa potentielle homosexualité refoulée. Finalement, le garçon retourne chez le coiffeur et le fantasme va peut-être devenir réalité…

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Sorte de remake sauce « New Queer Cinema » de That cold day in the park de Robert Altman, No skin off my ass fut un petit choc lors de sa présentation en festival au début des années 1990. Il faut dire que le projet a vraiment de la gueule, une atmosphère singulière. Tourné en 8mm, en noir et blanc, avec un beau grain prononcé, mêlant musique enivrante et son plus noisy, l’œuvre exerce immédiatement la fascination évoquant Jean Genet ou Paul Morrissey. Le scénario est pour le moins basique : l’errance d’un jeune homme qui s’est mis en tête de devenir un skinhead. Sauf qu’il a des penchants gays, qu’il est plus timide qu’enragé, qu’il n’a pas de bande avec qui traîner.

L’acteur G.B. Jones, à la beauté hypnotique, nous amènerait presque à penser que les skinheads sont des mecs tout à fait adorables. Posé sur son banc, le regard perdu dans le vague, notre ami est aussi trognon qu’un chiot abandonné. Et le coiffeur qui va lui offrir l’hospitalité va en quelque sorte clairement le traiter comme une poupée, prenant un grand plaisir à lui faire un bain pour mieux le mater, à lui raser le crâne ou jouer avec ses accessoires qu’il ne soupçonne pas d’être aussi fétichistes, connotés sexuellement dans l’imaginaire gay.

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Bruce La Bruce, avec malice, entre petites provocations et étonnante délicatesse, nous entraîne au cœur du fantasme. Là où les figures les plus effrayantes, supposées comme les plus dangereuses, s’asservissent sous le regard du spectateur. Le skinhead se laisse manipuler à loisir, par le coiffeur comme par sa sœur qui l’instrumentalise pour ses screen tests. A noter d’ailleurs un très beau et troublant travail sur le son, décalé. Les personnages s’expriment en voix off alors qu’à l’écran leurs lèvres bougent ou non, renforçant cette sensation de fragile équilibre entre fantasme/fiction et réalité. Entre tendresse et humour, Bruce La Bruce filme des marginaux qui avancent en toute insouciance vers un certain vide. Et fidèle à sa réputation d’enfant terrible du cinéma underground, il ne se prive pas de nous livrer quelques scènes à l’érotisme foudroyant, transformant le jeune skinhead en une sorte de sucrerie SM.

La puissance des images accroche, intemporelle et pourtant aussi portrait d’une certaine époque. Qu’y a-t-il vraiment dans la tête de ce skinhead juvénile ? Qui fantasme sur qui ? Portraits bizarroïdes et sensualité débordante : No skin off my ass fait partie de ces films cultes dont la découverte ne laisse pas insensible.

Film produit en 1991 / Disponible en import DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3