CINEMA
MAX MON AMOUR de Nagisa Oshima : l’impensable amant
Avec Max mon amour, Nagisa Oshima dynamite le classique drame bourgeois adultérin et propose une oeuvre aussi hybride que surprenante. Un des rôles les plus marquants de la carrière de Charlotte Rampling.
Paris. Peter (Anthony Higgins), diplomate anglais, vit dans un luxueux appartement avec sa femme Margaret (Charlotte Rampling) et leur petit garçon. Si le couple s’autorise des petites aventures, Peter reste assez jaloux. Un jour, il découvre que Margaret lui ment : elle prétend passer des journées chez une amie mais cette dernière ne l’a pas vue. Le diplomate engage un détective privé et apprend que sa femme loue en secret un appartement où elle se rend quotidiennement pendant de longues heures.
Après s’être procuré un double des clés, Peter entend surprendre Margaret avec son amant. Qu’elle n’est pas sa surprise quand il tombe nez à nez avec sa femme au lit avec… un chimpanzé ! La situation est inconcevable et intolérable mais Margaret assume complètement ce qui se passe et raconte à son époux pour le moins décontenancé son coup de foudre pour l’animal. Non seulement elle en est tombée amoureuse mais en plus elle affirme avoir des rapports avec lui.
Dans un premier temps complètement dépassé par la situation, Peter finit par proposer à Margaret de faire emménager son chimpanzé, qui s’appelle Max, chez eux ! Il espère sans doute qu’elle se lassera mais il voudrait surtout vérifier si elle a vraiment une intimité avec la bête. Comme on pouvait s’en douter, la cohabitation ne va pas être facile. De nombreuses surprises et confrontations attendent le couple qui pourrait bien, étonnamment, ressortir grandi de cette drôle d’histoire.
Le pitch de départ a de quoi surprendre : « une femme trompe son mari avec un chimpanzé ». Pour sûr, Max mon amour n’est pas un triangle amoureux conventionnel. Mais s’il est subversif de par l’attitude de son héroïne qui n’a jamais honte de sa love story pour le moins tordue et qui au contraire assume complètement tout, le long-métrage de Nagisa Oshima n’a rien de vraiment traumatisant. Car si le début du film peut faire penser à une oeuvre de Buñuel, il bifurque régulièrement vers des genres inattendus comme la comédie populaire (le fait que Max finisse par vivre avec le couple et leur enfant donne lieu à un comique de situation imparable – la femme de chambre allergique, les amis guindés qui viennent diner et qui restent bouche bée devant l’animal qui embrasse Margaret…) ou même le divertissement familial.
Là où Max mon amour est vraiment fascinant c’est dans sa façon de nous montrer qu’au final tout n’est qu’affaire de regard. L’impensable finit par devenir envisageable quand autour de soi il n’est pas estimé insupportable. Effectivement, tout le monde autour de Peter n’est au final pas plus choqué que ça de ce qui semble se passer chez lui. L’époux trompé et dépassé finit même par s’attacher à l’animal.
Nagisa Oshima prend le soin de rendre le personnage de Max (joué par une femme déguisée) mignon et attachant. Il est un peu comme une sorte de E.T., une créature venue d’ailleurs, pure dans ses émotions, parfois sauvage et parfois très vulnérable. Au caractère subversif et dégoûtant de la zoophilie se substitue un regard enfantin sur un amour au-delà des espèces et des mots. Il faut assurément beaucoup de talent pour faire avaler au spectateur tout ce qui se passe à l’écran et accomplir la prouesse de lui faire épouser les enjeux des protagonistes au point qu’on a envie que Max reste là.
Le jeu de Charlotte Rampling est ici complètement magnétique. Ses regards obstinés et amoureux marquent profondément et le fait qu’elle rende si crédible son personnage apporte beaucoup à l’ensemble. On retiendra enfin et surtout l’amour indéfectible du mari qui se révélera vraiment prêt à tout pour garder sa femme, la comprendre, s’adapter à toutes les situations.
Tour à tout perturbant, drôle, tendre, romantique : Max mon amour reste une oeuvre complètement à part.
Film sorti en 1986. Disponible en DVD et VOD