FICTIONS LGBT
LA PUDEUR OU L’IMPUDEUR d’Hervé Guibert : la maladie en face
Avant tout connu comme écrivain, Hervé Guibert était aussi photographe et a signé ce film documentaire, La pudeur ou l’impudeur, avant que le Sida ne l’emporte. Un témoignage à la fois dur, poétique et émouvant.
L’oeuvre dure environ une heure et ne s’encombre pas d’artifices. On est plongé directement dans le quotidien brut de l’artiste. C’est filmé en vidéo et il y a un aspect assez immersif. On a l’impression de partager le quotidien d’Hervé Guibert, de lire son journal intime, de vivre à ses côtés. Il se filme en train de parler au téléphone, de penser, de danser et même lorsqu’il va aux toilettes.
Il y a eu beaucoup de films de fiction et de documentaires sur le Sida. Celui-ci est peut-être un de ceux qui nous confrontent le plus directement à la maladie et le quotidien de ceux qui étaient infectés à une époque où il était terrible et très difficile de vivre avec le virus. L’impression d’un face à face avec cette saleté qui rend le corps d’un garçon de 35 ans similaire à celui d’un vieillard ou d’un déporté. Les conversations avec le corps médical. Une opération filmée de façon très crue. La tendresse pour une vieille tante qui demande à Guibert de se battre. L’affection de ses proches. Les ami(e)s qui ont des mots plus ou moins heureux. Un séjour entre retour à la vie et flirt avec la mort à l’île d’Elbe (sans doute le passage le plus poétique de cette oeuvre étrange qui fascine par son regard, par ce qui est dit en voix off alors que ce qui est à l’écran est à priori on ne peut plus banal).
On ressent tout. La solitude (même si l’artiste peut compter sur des membres de sa famille et des amis, il ne peut à l’évidence pas s’empêcher de se sentir seul et impuissant face à cette maladie en lui). Le sentiment terrible de se dire qu’il n’y a pas de remède, juste quelque chose qui est en cours et testé. La peur de ne pas tenir bon. Les pulsions suicidaires. Les petits moments de vie, les petits bonheurs. La façon de voir l’existence autrement (cette façon amusée dont Guibert relate les réactions de sa famille face aux choix de sa tante concernant son héritage).
Il y a peu de respirations, on est vraiment confronté à la réalité du quotidien d’un malade du Sida au début des années 1990. A plusieurs reprises on a du mal à tenir, à regarder les choses en face. C’est peu dire qu’il s’agit là d’un témoignage fort, surtout en sachant que malgré plusieurs espoirs de s’en sortir Hervé Guibert a finalement succombé après le tournage.
Film diffusé en 1992 à la télévision. Disponible en DVD