CINEMA
BEN-HUR de William Wyler : avoir la foi
Judah Ben-Hur (Charlton Heston) et Messala (Stephen Boyd) étaient jadis les meilleurs amis du monde, malgré le fait que Judah soit juif et Messala romain. Ils se sont quittés alors qu’ils n’étaient que deux petits garçons, ils se retrouvent alors qu’ils sont devenus des hommes. Ben-Hur est le riche prince de Judée tandis que Messala est en passe de devenir l’un des grands hommes de confiance de Jules César. Il a pour mission d’amener les juifs à accepter l’occupation romaine.
Dans un premier temps, affectueux, Messala tente d’obtenir de Ben-Hur qu’il l’aide dans son objectif de rendre pacifique l’occupation. Mais quand, dans un soucis d’éviter toute opposition, il lui demande de lui révéler les noms des juifs révoltés contre les romains, Ben-Hur refuse. Ce dernier ne peut accepter de trahir son peuple et se voit contraint d’annoncer à son grand ami qu’il ne fera pas équipe avec lui. Messala prend très mal la nouvelle et lui pose un ultimatum : il sera avec lui ou contre lui. Ben-Hur, à contre cœur, choisit d’être contre.
Les choses ne tardent pas à s’envenimer : suite à un incident, Ben-Hur, sa mère et sa sœur se retrouvent emprisonnés par Messala. Guidé par sa soif de pouvoir, le romain ambitieux décide de faire de la famille de Ben-Hur un exemple pour apeurer le peuple juif. Ben-Hur est ainsi envoyé aux galères tandis que sa mère et sa sœur sont mises au cachot sous terre. Pour Ben-Hur et les siens, c’est un long chemin de croix qui commence.
Mais malgré toutes les difficultés, l’homme va parvenir à survivre. Aidé par le Christ dans le désert alors qu’il est assoiffé, attirant l’affection inespérée d’un romain qui ira jusqu’à le considérer comme son fils de substitution, se liant d’amitié avec le cheikh Ilderim qui le verrait bien conduire ses chars : Ben-Hur semble béni. Il réussira à revenir en Judée pour retrouver la femme qu’il aime et en espérant sauver sa mère et sa sœur. Un retour difficile, qui lui permettra d’affronter pour de bon Messalla et où sa foi sera mise à rude épreuve…
Film mythique et inoubliable, Ben-Hur est avant tout un spectacle impressionnant qui ne perd rien de sa beauté et de son panache des décennies après sa sortie. William Wyler est ici aux commandes d’un projet fou (rien que la célèbre scène de course de chars aurait demandé presque trois mois de tournage), porté par un tel souffle que les presque 3h30 de métrage ne cessent de passionner. C’est que Ben-Hur est un héros magnifique, incarné avec grâce par Charlton Heston. Un homme bon au destin extraordinaire qui malgré toutes les épreuves qui se présentent à lui, malgré le doute qui forcément parfois l’habite, continue de se battre et de tenter de rester fidèle à ses valeurs, sa foi.
Prince de Judée, il traite son esclave comme un ami et offre à la fille de ce dernier, Esther, qu’il désire pourtant, sa liberté alors qu’un homme s’apprête à se marier avec elle. Juif, il revoit en toute bonté et amitié le romain conquérant Messala et espère qu’ils pourront garder une relation apaisée. Fils et frère dévoué, il n’hésite pas à se sacrifier quand l’un des membres de sa famille est en danger. Mais son intégrité et sa loyauté envers son peuple ne le serviront pas dans un monde où Rome impose avec violence sa loi. Qu’importe : exhilé, il croise le chemin de Jésus, tisse des liens sincères qui lui permettent de survivre et chaque jour de grandir un peu plus.
Si la soif de domination et de pouvoir des hommes fait des ravages, il reste encore de l’espoir… A travers ses aventures, Ben-Hur est amené à s’interroger sur sa foi. Quand il croit que sa mère et sa sœur sont mortes par la faute de Messala, la tentation de la vengeance et l’appel de la violence sont bien là. Mais l’appel du Christ et du cœur, le sacrifice de Jésus, l’aideront à rester droit.
On pourra reprocher au film d’en faire parfois un peu trop dans le côté religieux. Dès le départ, le destin de Ben-Hur croise celui du Christ et au final nous est assénée , pas toujours avec subtilité, une leçon de vie un brin téléphonée. Mais il faut admettre que cette leçon de vie demeure très belle, universelle, profondément humaniste. La grande réussite du film est de nous donner envie de croire que des hommes comme Ben-Hur existent, parvenant à pardonner le pire, à se raviser avant de se laisser contaminer par la haine. Ne pas se venger, accepter le mal que l’on nous fait et continuer d’avancer… Adaptation du roman Ben-Hur : A tale of the Christ, le long-métrage se présente bien comme un conte propice à toucher le plus grand nombre.
C’est une œuvre incroyablement dense, qui brasse beaucoup de sujets forts (la foi, l’émancipation d’un peuple opprimé, l’amour au-delà des apparences et des règles, la soif de pouvoir) avec une grande intensité. Alors que Ben-Hur croit en Dieu et en l’humain, Messala et les romains font de Jules César leur propre Dieu. Aussi bien film d’amour (la touchante love story entre Ben-Hur et Esther, les liens familiaux puissants qui unissent Ben-Hur, sa mère et sa sœur) que film d’aventure, le projet déborde de moments inoubliables. Les galériens qui se démènent pour satisfaire un caprice sadique d’Arrius, la bataille navale ou la course de chars : autant de moments à la mise en scène époustouflante et jouissive. C’est mine de rien aussi et surtout un film sur le dépassement de soi.
On appréciera aussi tout le côté crypto-gay qui traverse cette folle aventure (les retrouvailles de Ben-Hur et Messala font partie de ces grands moments ambigus dont certains péplum avaient le secret).
Délice des yeux de chaque instant, magnifiquement interprété, émouvant et divertissant : Ben-Hur a les qualités des plus grands chef d’oeuvre. Un film fou d’ambition et d’humanisme.
Film sorti en 1959. Disponible en DVD et VOD