CINEMA
PLACE VENDÔME de Nicole Garcia : diamants et fantômes
Drame bourgeois aux accents de polar, Place Vendôme déroute par son atmosphère glaciale et ne cesse de fasciner pourtant. Sans doute parce que Catherine Deneuve trouve dans ce film sous-estimé un de ses rôles les plus forts.
Vincent Malivert (Bernard Fresson), grand joaillier dont les bureaux se situent Place Vendôme à Paris, sent doucement le vent tourner. Il continue de faire comme si tout allait bien mais un étau mystérieux semble se resserrer autour de lui. Il ne parvient pas à en parler à sa femme, Marianne (Catherine Deneuve), qui ne vit presque plus avec lui tant elle accumule les cures suite à des problèmes de dépression et d’alcoolisme.
Et voilà que Vincent se suicide. Forcément attristée par cette disparition, Marianne ne va pas avoir le temps de faire son deuil : elle trouve ,cachés dans son appartement, sept magnifiques diamants. Et si elle tentait de les vendre ? Cette trouvaille lui fait retrouver sa vie d’avant, alors qu’elle était encore une courtière réputée et ambitieuse. Ce projet de vente l’aide à surmonter progressivement ses démons : pour aller au bout, elle devra retrouver cette force qui était éteinte en elle depuis si longtemps.
Rapidement, la veuve comprend que les diamants n’étaient pas cachés pour rien. Son époux s’était fourré dans une sale affaire et plusieurs personnes potentiellement dangereuses sont à leur recherche.
Et puis il y a cette jeune courtière, Nathalie (Emmanuelle Seigner), sorte de double plus jeune de Marianne. Il se pourrait qu’elle ait eue une liaison avec Vincent et elle est désormais en couple avec Battistelli (Jacques Dutronc) que Marianne connait bien car il a été l’une des raisons de sa déchéance. Survient enfin Jean-Pierre (Jean-Pierre Bacri), ex de Nathalie, qui pour sortir la tête de l’eau financièrement collabore avec des mafieux et fait mystérieusement irruption dans le quotidien de Marianne.
Autour de la célèbre Place Vendôme, tout ce petit monde va se croiser, se manipuler, faire face à ses démons actuels ou passés pour tenter ,qui sait, de se libérer…
C’est sans doute l’un des meilleurs films de Nicole Garcia en tant que réalisatrice. Sa mise en scène est à la fois feutrée et maîtrisée et impose une atmosphère singulière qui si elle déroutera les spectateurs peu patients ne manquera pas d’attraper les autres. La mélancolie est omniprésente avec des personnages autodestructeurs et hantés par les fantômes de l’amour.
A l’ambition et au pouvoir, dans l’univers très codé et sophistiqué des diamantaires, s’oppose les failles du coeur. Quasiment tous les protagonistes s’attachent et se heurtent à un amour disparu ou en voie d’extinction. Complètement à terre au début du métrage, le personnage de Marianne va petit à petit (mais non sans trébuchements) se relever, faisant la paix avec elle-même et les autres.
Catherine Deneuve trouve là, n’ayons pas peur de le dire, un de ses meilleurs rôles. Le personnage de Marianne est l’occasion pour elle de s’aventurer en territoires très sombres. Alcoolique, goût prononcé pour l’autodestruction : la peau de cette femme l’amène à se dépasser et la fait osciller en permanence entre désespoir, fragilité et force inespérée. L’actrice y est magnifique de bout en bout. On retiendra aussi face à elle, en mode double plus jeune et hitchcockien, Emmanuelle Seigner qui comme un coup du sort reproduit exactement le même schéma que celui de Marianne (même métier, mêmes amants). S’opposent enfin dans les coeurs Jacques Dutronc en escroc toxique et Jean-Pierre Bacri en homme blessé.
Jouant habilement d’un suspense lent, brouillant les pistes au point qu’on se sente aussi perdu que Marianne face à ce qui l’entoure pendant un long-moment, Place Vendôme avance doucement mais sûrement, savamment articulé et très bien écrit jusqu’à un final tour à tour intense et libérateur.
Film sorti en 1998. Disponible en VOD