CINEMA
ANGEL de François Ozon : Adieu, prince charmant
Cela commence comme un conte de fées. On suit Angel (Romola Garai) , jeune fille d’une famille modeste qui rêve d’habiter à Paradise House, une demeure aussi énorme que luxueuse. Mais elle est encore loin de réaliser son rêve : tout le monde autour d’elle la décourage et lui rappelle qu’elle vit au dessus d’une épicerie. Pourtant, elle y croit. Même fauchée, elle prend des airs de princesse et n’hésite pas à rabaisser les siens. Car Angel est convaincue qu’elle a d’incroyables talents d’écrivain. Ambitieuse, elle écrit son propre roman qu’elle envoie à une maison d’édition. Pas du tout cultivée mais dotée d’une imagination à l’eau de rose sans limite, Angel séduit un éditeur. Elle va voir son rêve se réaliser : la pauvresse va devenir princesse, une autrice adulée du public.
Le début du film est extrêmement bien rythmé, c’est tout simplement un délice. Délice visuel avec tout cet univers aseptisé et ces robes qui n’en finissent plus de trainer. François Ozon joue avec les codes du conte, se situe entre fiction pure et parodie totale, abuse des effets de studios apparents. Une manière de souligner cette vie en dehors des réalités, ce personnage outrancier. Si Angel agit souvent en véritable peste, sa maladroite intégration dans un milieu très codé qu’elle croit connaitre suffit à la rendre humaine et diablement attachante. Romola Garai est tout simplement magnifique et nous fait croire à son personnage en un simple battement de cil.
Et c’est bien connu, dans les histoires de princesses, il y a toujours un prince charmant. Ici il s’appelle Esmé (interprété par le majestueux Michael Fassbender) et il est un peintre légèrement dépressif. L’amour va éclater lors d’un baiser filmé avec grandeur. Mais n’est-ce pas trop ? Tout ce succès, toute cette mise en scène appuyée, ces décors, ces caprices… Dans un conte, l’histoire se serait arrêtée là avec un panneau « et ils eurent beaucoup d’enfants ». Mais dans le film , malheureusement pour le personnage d’Angel, l’histoire continue. Le prince charmant n’est pas si charmant : il va voir ailleurs et s’en va faire la guerre. Le succès s’envole lui aussi. Angel perd tout , se perd, ne trouve de réconfort qu’auprès de sa servante un peu lesbienne sur les bords. Le rythme s’atténue, le temps se fait plus long, la vie plus terne. Petit à petit, Angel ne s’habille plus qu’en noir. L’amour l’a transformé en sorcière.
Une grande fresque sentimentale, voilà ce que propose ici François Ozon. Une fresque habilement mise en scène, qui ne tombe dans les clichés que par pur désir de le faire et de s’éclater. Les scènes dramatiques sont ainsi souvent associées à une musique légère plaçant le spectateur loin de tous les tourments émotionnels. Un spectacle jouissif, une heroine au bord de la folie, souvent mégalo. Avec en plus une petite réflexion sur l’art , sa considération et sa longévité : Angel est une belle réussite.
Film sorti en 2007. Disponible en VOD