L’AMANT DOUBLE de François Ozon : plaisir thriller

Présenté en compétition au Festival de Cannes 2017, L’amant double de François Ozon est un thriller ultra divertissant, délicieusement pervers et qui s’autorise tout. Le réalisateur s’autorise tout et renoue ici avec les facéties un peu trash de ses premières oeuvres.

Cette adaptation libre de « Lives of the twins » de Rosamond Smith fait naturellement penser au film Faux-semblants de Cronenberg mais elle évoque aussi le cinéma d’Hitchcock et celui fétichiste de Brian De Palma. De très belles références donc pour un long-métrage qui d’emblée fascine par sa mise en scène élégante et vertigineuse, avec une musique qui favorise l’évasion et le désordre des sens.

Le spectateur suit la trajectoire de Chloé (magnifique Marine Vacth), une jeune femme troublée qui a depuis toujours des douleurs au ventre. Un peu frigide, mal dans sa peau, tourmentée, elle ne s’intègre pas, ne trouve pas de travail, affronte le quotidien en tremblant. Tout s’améliore alors qu’elle commence une thérapie avec Paul (sexy Jérémie Rénier), un psy très attentionné. Alors qu’elle va mieux, Paul suggère de mettre fin à leurs rendez-vous et lui avoue ses sentiments. Un grand amour commence. Mais si d’un coup tout semble aller au mieux dans la vie de Chloé (elle travaille au Palais de Tokyo, emménage avec celui qu’elle aime dans un bel appartement…), cette dernière renoue avec ses angoisses quand elle croit apercevoir par hasard Paul dans une rue alors qu’il est censé être ailleurs.

Paul mène-t-il une double vie ? Aurait-il un frère jumeau ? De jour en jour, Chloé va se laisser obséder par sa quête de vérité, au risque de se perdre…

On peut scinder le film en deux parties : la première, assez premier degré, très sensible et maîtrisée, élégante. François Ozon réussit à déployer un trouble rare et tire le meilleur de ses acteurs magnétiques. La deuxième partie, elle, prend davantage de risques, lorgnant sans filets du côté du thriller hot, faisant un va et viens permanent entre réalité, obsession, rêves et cauchemars. Bon et mauvais goût s’opposent, autant que beauté et laideur, sérieux et farce. De quoi en perturber plus d’un et de constituer une proposition forte.

L’amant double se révèle être une oeuvre très ludique, peut-être l’une des plus amusantes et « puputes » de François Ozon. Le cinéaste semble prendre un pied fou à brouiller les pistes et choquer son public, lorgne par moments du côté de la vulgarité et du « what the fuck » et on avoue qu’ici on a trouvé ça hyper jouissif !

A la fois obsédant, entêtant et insolent, ce thriller charnel est aussi et surtout un portrait féminin puissant qui déjoue en permanence les attentes (le bourreau de l’autre n’est pas forcément celui auquel on s’attend). De la tension sexuelle, du mystère, du rire, de l’angoisse : cet Amant double hybride et fou réjouit.

Film sorti en 2017. Disponible en VOD