QUEER AS FOLK US, saison 3 : résumé et avis

La saison 3 de Queer as folk version US est plus resserrée (14 épisodes contre une vingtaine précédemment), plus politique et plus sombre aussi. Et encore une fois, c’est une réussite !

Si à travers ses deux premiers chapitres Queer as Folk abordait déjà des thématiques militantes et politiques (l’homophobie avec l’agression de Justin, les tabous et clichés dont peuvent souffrir les personnes séropositives avec le personnage secondaire de Vic et l’incursion de celui, plus majeur, de Ben…), cette fois-ci les scénaristes ont décidé de mettre un peu plus les pieds dans le plat.

La toile de fond de cette saison est l’enquête autour de l’agression d’un jeune gay inconnu qui était à la rue et que Debbie avait retrouvé mort dans sa benne à ordure lors de la saison 2. En quête de vérité, celle qui est mine de rien le personnage le plus militant du show alors qu’elle est hétéro va continuer de bousculer le Detective Horvath avec qui elle a par ailleurs un début de relation. Clairement les forces de l’ordre ne se bougent pas des masses pour résoudre les crimes homophobes des parages.

Autre trame qui orne la grande partie de cette nouvelle livraison d’épisodes : la collaboration entre Brian et un politicien rétrograde, Stockwell. Pour Brian, le business c’est le business et il met ses convictions de côté pour travailler sur la campagne politique de cet homme qui entend rendre la ville de Pittsburgh plus « Family friendly ». S’il se plait à jouer au nihiliste, Brian va voir rouge quand il va réaliser que Stockwell s’attaque à la nuit gay et aux lieux de cruising qu’il aime tant fréquenter. Un jeu ambivalent et retors va s’installer entre eux jusqu’à ce que Brian découvre qu’il ne serait pas impossible que Stockwell soit lié au crime homophobe que Debbie cherche à résoudre.

Brian n’a jamais été aussi touchant et humain que dans cette saison : outre cette délicate campagne avec Stockwell où il va se transformer de « vendu » en héros, il va aussi être la cible de son petit neveu homophobe qui va l’accuser d’agression sexuelle. Enfin, la première partie de saison le montre abattu alors que Justin l’a quitté pour vivre sa romance avec le violoniste Ethan. Plus que jamais, les scénaristes montrent les failles du playboy, qui au fond à toujours bon coeur au bout du compte mais qui est incapable d’exprimer clairement ses émotions, son affection, que ce soit pour Justin ou ses proches.

Justin, hélas, est toujours un personnage aussi fade. C’est peu dire que sa nouvelle idylle avec Ethan ne passionne pas les foules. Le jeune couple a vite fait de battre de l’aile alors que le musicien décroche un contrat à la condition qu’il cache son hétérosexualité, donc sa relation avec Justin. Petit à petit, le jeune blond va comprendre qu’au final il était bien mieux avec Brian malgré tous ses défauts. La petite vie bobo intello et hypocrite que lui propose Ethan ne lui va pas si bien. Après une trahison, il retourne donc dans les bras de Brian, usant à nouveau de sa capacité à s’incruster partout (il va ainsi devenir son stagiaire !). La deuxième partie de saison finit par placer Justin au second plan et on ne s’en plaint pas.

Du côté de Michael, sa vie évolue à plusieurs niveaux. Heureux en couple avec Ben, il a toutefois du mal à toujours arriver à le comprendre. Ben a des hauts et des bas avec sa séropositivité et quand il apprend qu’un ami à lui est mort, il se sent très mal. Il se jette alors à fond dans le sport et commence à prendre des stéroïdes. Cette saison est une nouvelle fois l’occasion d’aborder de façon franche le quotidien d’un couple sérodiscordant au début des années 2000. Si Michael peut parfois avoir l’air naïf, il est plus coriace qu’il n’en a l’air et sa façon de se battre pour son couple est très touchante.

Il passe durant ces épisodes un cap alors qu’il accepte d’être le nouveau géniteur de Lindsay et Mélanie qui ont un projet de deuxième enfant. Il va aussi et surtout devenir une sorte de papa de substitution pour un jeune gay à la rue pour qui Ben se prend d’affection : Hunter. Traumatisé par sa famille, contraint de monayer son corps pour survivre, touché par la maladie, le garçon, d’abord sauvage, va peu à peu se laisser apprivoiser et devenir central dans le quotidien de Michael et Ben. Si ces derniers ont bon coeur et beaucoup de patience, ils ne sont pas au bout de leur peine : Hunter ayant menti sur le fait que sa mère était morte. Il s’avère qu’elle est bien vivante et qu’elle veut reprendre sa garde. Sauf que d’après lui elle serait plus que dangereuse…

On en arrive à Emmett et Ted, deux des personnages secondaires qui ont été vraiment développés dans la version US. Les deux anciens amis forment dans cette saison 3 un couple tout mignon. Ils vont toutefois devoir affronter bien des obstacles. Passer de l’amitié à la romance n’est pas facile : ils ont d’abord peur de ne pas s’attirer. Finalement ça roule mais alors qu’ils emménagent ensemble ils ne sont pas vraiment raccords sur les petites choses du quotidien. Malgré tout ils avancent, ont le projet de trouver une maison… Mais voilà que Ted se retrouve pris dans un scandale et est contraint de fermer sa boite de webcams et films gays adultes.

Alors qu’Emmett connait une certaine ascension en devenant un Party Planner suite à un coup de pouce de Lindsay, Ted sombre peu à peu dans la dépression. Et c’est là que ce troisième chapitre trouve peut-être ses segments les plus forts. Car à travers Ted est racontée l’histoire d’un homme qui finit par ne plus du tout croire en lui alors qu’il ne trouve pas de travail. Il se sent rejeté, inutile. Et dans un moment de faiblesse il décide de se rendre dans un sordide hôtel où des gays louches se retrouvent pour des orgies sous substance. On suit la descente aux enfers de ce Monsieur Tout le Monde qui devient addict au chemsex. Le traitement est à la fois sensible et très frontal et montre toute l’ambiguïté de ce type d’addiction. On est complètement en immersion, complètement dans la tête de Ted alors qu’il s’enfonce dans l’excitation du glauque, de la bestialité. Evidemment, cela va faire exploser son couple et ses relations aux autres. La détérioration de sa relation avec Emmett donne lieu à des scènes bouleversantes. En tant que spectateur, on a envie de prendre Ted dans nos bras et de lui dire que ça va aller. C’est tellement triste de le voir devenir un drogué qui les larmes aux yeux clame que pour la première fois de sa vie il se sent bien dans sa peau et désirable. Son interprète, Scott Lowell, est vraiment formidable et d’une rare finesse de jeu. 

Moins présentes, Lindsay et Mélanie restent des personnages attachants qu’on prend plaisir à suivre. Le nouveau projet d’enfant avec cette fois Mélanie qui expérimente la grossesse donne lieu à des moments savoureux : la control freak et workaholic qu’elle est va avoir du fil à retordre. C’est l’occasion pour elle d’apprendre doucement à un peu baisser la garde et arrêter de vouloir être le moteur du couple. Mélanie va aussi se retrouver au milieu du couple de Ted et Emmett qui se délite et ne va pas se gêner pour être cash comme elle sait l’être et essayer à sa façon, certes brusque, de protéger Emmett.

Enfin, comme évoqué plus haut, Debbie mène son enquête pour résoudre le crime homophobe irrésolu qui la travaille profondément. Elle milite aussi contre Stockwell et essaie de bousculer les gays inconscients du quartier gay qui ne s’inquiètent pas de le menace homophobe, trop accaparés par la drague et leur nombril. Debbie va aussi connaître des hauts et des bas avec le Detective Horvath une fois que la politique va se mettre entre eux. Elle essaie pourtant de se rapprocher de lui et va même se donner à lui après un entraînement tordant en compagnie de Ted et Emmett qui vont si bien lui apprendre à faire plaisir aux hommes qu’Horvath insinuera qu’elle a beaucoup d’expérience en la matière…

Laissé encore une fois en arrière-plan et presque décoratif, l’oncle Vic s’autorise dans ces nouveaux épisodes une nouvelle romance avec un homme séropositif comme lui. On aurait aimé plus les voir à l’écran, il est dommage que les scénaristes n’aient pas laissé davantage de place à cette sous-intrigue qui aurait pu apporter beaucoup.

Globalement, c’est encore une très bonne saison, avec des interprétations solides, des sujets importants abordés sans détour. Souvent les séries s’effondrent à la deuxième ou troisième saison. Queer as Folk s’est très bien maintenue.

Saison produite en 2002. Disponible en DVD