FICTIONS LGBT
UN DIMANCHE COMME LES AUTRES de John Schlesinger : face au manque
Londres, début des années 1970. Le chômage fait rage. Loin de la réalité économique, Alex (Glenda Jackson), fonctionnaire issue d’une famille bourgeoise, et Daniel (Peter Finch), médecin bien installé, se focalisent sur des problèmes plus personnels. Ils sont tous les deux arrivés à un tournant de leur vie et souffrent de leur liaison commune avec un homme plus jeune, le séduisant Bob (Murray Head), sculpteur rêvant de tenter sa chance aux Etats-Unis. La plupart du temps sans prévenir, Bob débarque et s’immisce dans le lit de la femme ou de l’homme qui chacun partage sa vie avec lui comme une parenthèse. Alex et Daniel ne se connaissent pas vraiment mais ils savent très bien que quand Bob n’est pas chez l’un, il est chez l’autre… Ils attendent alors que le téléphone sonne, annonçant la venue du bel amant venant rompre la solitude. Le temps d’une semaine, nous allons suivre ces trois personnages alors qu’un tournant s’annonce : Bob pourrait en effet voir ses projets américains se concrétiser…
Film rare de John Schlesinger (réalisateur de Macadam Cowboy), Un dimanche comme les autres (Sunday Bloody Sunday en VO) fut l’un des premiers films britanniques à montrer sans jugement l’intimité de deux hommes sur grand écran. Nous sommes définitivement ici devant une œuvre teintée de mélancolie, aux couleurs évoquant les jours de pluie. Le début laisse le spectateur pénétrer dans l’intimité de Daniel et Alex et comprendre petit à petit ce qui les relie. Les jours défilent, les moments de vie faussement ordinaires se succèdent et petit à petit se dessinent les portraits de deux amoureux insatisfaits. Alors que dans les rues la misère et un relatif désespoir se propagent, Alex et Daniel apparaissent comme étrangers au monde, comme des fantômes, attendant un signe, un déclic. Progressivement, ils vont devoir se résoudre au fait qu’ils n’auront jamais « l’exclusivité » de Bob, garçon solaire, charnel, mais qui finit toujours à un moment ou un autre par leur échapper.
La mise en scène, subtile, se permettant quelques envolées doucement surréalistes, nous amène à ressentir la détresse intérieure de ses deux principaux protagonistes en pleine carence affective. Dans une société en désordre où les hippies sont un peu bourgeois, où les enfants fument de la marijuana, où les drogués et gigolos arpentent les rues sans oser complètement demander de l’aide, la passion n’est pas le meilleur des refuges. Il émane de ce film une sorte de sensation de chaos, de vivre dans un entre-deux un peu étouffant. Le téléphone et les hypothétiques messages laissés deviennent une obsession, on s’enfonce dans une passion dont on sait qu’elle ne pourra aboutir sur quelque chose de solide mais peu importe tant qu’on a l’illusion de vivre, de ressentir, l’ivresse…
Sans que l’on comprenne vraiment pourquoi ni comment, ce long-métrage à l’atmosphère tour à tour enivrante ou plombante, laisse son empreinte. Les images d’un week end de baby sitting qui ne se passe pas comme prévu, une installation d’art dans un jardin, un gigolo qui surgit de nulle part une nuit au milieu de la route, un dernier regard face caméra bouleversant…
Film sorti en 1971. Disponible en DVD