SUR LE DÉPART de Michaël Dacheux : la distance

Mont-de-Marsan. Clarinette (Adrien Dantou), 17 ans, s’apprête à quitter la ville de son enfance pour aller tenter sa chance à Paris. Il laisse derrière lui plusieurs amis et un en particulier, Piano (César Domboy) avec lequel il a toujours entretenu des rapports forts et fusionnels. Meilleurs amis et amants, les deux garçons appréhendent la distance.

Au fil des années, nous suivons leurs retrouvailles, l’effet du temps sur leur relation, sur leurs rêves et leurs regrets. Tandis que Clarinette cherche toujours son chemin, galérant dans la capitale et accumulant les petits boulots en attendant mieux, Piano grandit sagement, travaille comme professeur de musique… Peu à peu, ils s’éloignent l’un de l’autre.

Durant un peu moins d’une heure, Sur le départ est une véritable promesse de cinéma, à la fois belle, intelligente et modeste. Nous sommes invités à suivre l’évolution des rapports entre deux amis-amants de leurs 17 à leurs 30 ans. L’ouverture fait la part belle aux rues de Mont-de-Marsan, personnage à part entière de l’intrigue. Les rues commerçantes, la beauté discrète de certains endroits et les coins anonymes, plus anecdotiques. Cette ville, Clarinette veut la fuir pour grandir, voir autre chose. Mais alors que les années défilent, il réalise à quel point il y reste attaché, comment il ne peut s’en défaire, se laissant hanter, finissant par s’y balader seul avec une nostalgie pas si éloignée de la mélancolie.

Mont-de-Marsan c’est Piano, le meilleur ami et l’amour de jeunesse de Clarinette. Ils ont parcouru toutes les rues des dizaines de fois, en ont fait le temple de leurs souvenirs, de leur pudique amour. Les deux garçons se parlent à cœur ouvert mais peuvent très bien se passer de mots : ils se comprennent, s’accordent. Mais la belle harmonie laisse place progressivement à quelques fausses notes, des reproches qui n’osent s’exprimer, des remords. Belle idée que d’appeler les deux personnages Clarinette et Piano, donnant ainsi à la bande-originale une résonance toute particulière. Globalement, il y a de très belles idées dans ce film qui évoque la simplicité et l’élégance du cinéma de la Nouvelle Vague. On pense à Rohmer, à Jacques Demy (pour le rapport à la ville, aussi pour un irrésistible et sur le fil passage chanté) mais Michaël Dacheux laisse entrevoir son propre style, donnant beaucoup d’ampleur à un sujet très universel mais qui aurait pu avoir un air de déjà-vu. Sur le départ nous cueille par la beauté de ses dialogues, très écrits et poétiques, interprétés avec justesse et fragilité par ses deux comédiens principaux (Adrien Dantou, subtil mélange de timidité et de tourmente et le magnifique César Domboy, à la fois léger, calme et obsédant).

C’est l’histoire d’une séparation, provoquée par Clarinette, désireux de « tenter sa chance », de voir autre chose mais qui ne peut jamais se résoudre à oublier le passé, à avancer sans penser à Piano, qu’il a éloigné à contre cœur de lui, de son quotidien. Ce dernier est finalement celui qui grandira le plus sereinement, blessé par une semi-rupture ne disant pas son nom mais apprenant à vivre sans son ami de toujours, alors que Clarinette se laissera hanter et dévorer par ses actes manqués. Tout reste ouvert, peut-être que les deux amis finiront par se retrouver, se poser ensemble. Il émane de l’ensemble une grande mélancolie, comme si le réalisateur parvenait avec délicatesse à matérialiser à l’écran ces forces invisibles qui nous font dévier, qui nous empêchent de choisir, de trancher, nous menant vers des rendez-vous manqués. Un premier métrage sensible, personnel et très attachant.

Sur le départ a été présenté à divers festival dont le Festival Chéries Chéris 2011 où il a reçu le Prix du jury / Il est disponible en VOD ici sous le titre « Here and there »