CINEMA
BROOKLYN de John Crowley et Paul Tsan : tiraillée
Années 1950, Irlande. Eilis Lacey (Saoirse Ronan) rêve d’un ailleurs dans sa petite ville où les perspectives d’avenir sont on ne peut plus limitées. Travaillant à temps très partiel dans une épicerie dirigée par une véritable peau de vache, ne s’intéressant guère aux garçons du coin, elle voit la chance lui sourire grâce à l’aide de sa soeur Rose (Fiona Glascott) et d’un prêtre bienveillant (Jim Broadbent). Ces derniers vont en effet lui permettre de quitter sa bourgade pour tenter sa chance aux Etats-Unis, à Brooklyn.
A peine arrivée sur le sol américain, Eilis a déjà tout ce qu’il faut : ses papiers sont en règle, elle est accueillie dans une petite pension où la tenancière l’a à la bonne, elle commence un travail dans un grand magasin très chic et suit des cours de comptabilité. Mais le mal du pays la ronge, sa soeur lui manque terriblement, elle ne se sent pas à sa place.
Lors d’un bal irlandais, les choses finissent par basculer : un bel italien, Tony (Emory Cohen), l’invite à danser et se met à lui faire la cour. Gentleman, patient, sensible et romantique, Tony, modeste plombier au charme certain, va petit à petit faire oublier à la très sérieuse irlandaise ses soucis. Il vient la chercher le soir à la sortie du travail pour la raccompagner chez elle, ils enchainent les sorties romantiques et les cinémas…
Mais alors qu’ils tombent amoureux, un incident va contraindre Eilis à retourner en Irlande. Et la jeune femme de se retrouver tiraillée entre l’Irlande et les Etats-Unis, entre le sens du devoir et la passion, entre deux hommes très différents…
On se demandait ce qu’était devenu John Crowley, réalisateur du très prometteur Boy A (le film qui avait révélé Andrew Garfield). Le voici de retour dans un registre très différent, en duo avec le réalisateur Paul Tsan. Brooklyn a le charme et la grâce des mélodrames des années 1950 et dresse le portrait joliment nuancé d’une jeune irlandaise qui cherche sa route, entre aspirations professionnelles et envies de romance. La mise en scène est un peu classique mais d’une élégance folle, nous replongeant avec délice dans le Brooklyn du début des fifties. Côté casting, c’est le sans faute : Saoirse Ronan est parfaite pour le personnage d’Eilis et Emory Cohen explose de charme et de vulnérabilité en italien amoureux transi. Les seconds rôles sont tout aussi réjouissants avec par exemple une apparition de Jessica Paré ( la Megan de Mad Men).
On retrouve tout le romantisme et la flamboyance des drames à la Douglas Sirk, avec une musique qui donne souvent le frisson. Cerise sur le gateau : la relative ambivalence du personnage féminin principal. Eilis apparait comme une jeune femme qui se cherche et qui n’exclut jamais de se tromper. Elle découvre un nouveau pays, elle découvre l’amour. De nouvelles portes et univers qui ont tout pour séduire mais qui la font en permanence douter : Est-elle vraiment faite pour cette vie ? Peut-elle vraiment évoluer et devenir une autre ? Aime-t-elle vraiment Tony ? Les racines et le passé auront vite fait de la rattraper dans la seconde partie du métrage, assez déchirante, qui lui permettront de prendre une décision définitive sur la direction qu’elle souhaite donner à sa vie.
A la fois très bien tenu et généreux côté sentiments, Brooklyn ne devrait pas manquer de séduire ceux qui avaient notamment craqué pour les films de Lone Scherfig. Midinettes, ne surtout pas s’abstenir !
Film sorti en 2016 et disponible en VOD