CINEMA
L’ATELIER de Laurent Cantet : Marina Foïs et la jeunesse de La Ciotat
On adore Marina Foïs. De rôle en rôle, elle n’arrête pas de nous bluffer. Il y a quelque chose de captivant et de magnétique chez elle. Elle peut être douce et vulnérable, ferme et implacable, rigide ou hautement charnelle. On aime sa sensualité discrète , son phrasé particulier, cette façon qu’elle a d’injecter de façon très subtile de l’ambivalence à ses personnages.
Pas besoin de préciser qu’elle est une fois de plus parfaite dans L’atelier de Laurent Cantet où elle campe Olivia, une écrivaine venue à La Ciotat pour animer un atelier d’écriture avec des jeunes du coin. Son objectif : stimuler leur imaginaire, partager sa passion de l’écriture et réaliser ensemble un roman noir. Olivia se garde bien de le dire mais elle s’imprègne aussi de la bande qu’elle encadre pour finaliser son prochain livre.
Bien que les élèves trouvent leur prof très parisienne et guindée, ils participent presque tous de façon volontaire à l’élaboration du récit. L’action se passera à La Ciotat, l’intrigue tournera autour d’un meurtre. Il s’avère rapidement qu’à travers leurs écrits les jeunes de l’atelier révèlent des parts de leur personnalité, de leur histoire. L’un d’entre eux se détache du groupe : Antoine (Matthieu Lucci), qui oscille entre écrits violents et morbides et provocations racistes à l’égard de ses petits camarades. Olivia va se laisser fasciner et troubler par cette figure de bad boy.
S’il esquisse une certaine vulnérabilité, une détresse même, Antoine masque des contours obscurs. Solitaire, il lui arrive parfois de traîner avec son cousin qui a des penchants d’extrême droite et un certain goût pour les armes. Dans sa chambre, il ingurgite une multitude de vidéos allant d’un spot de l’Armée de Terre à des vidéos doucement fascisantes.
Un jeu étrange entre séduction silencieuse et opposition se tisse entre l’écrivaine et le jeune homme visiblement pris de pulsions destructrices. Ils ne se font pas de cadeau : Antoine ébranle les certitudes et l’assurance de son encadrante en pointant ses failles et celles de ses livres. Olivia, elle, si elle veut bien faire prend parfois les traits d’un vampire émotionnel.
On retrouve ici l’extrême réalisme et finesse du cinéma de Laurent Cantet qui une fois de plus tire le meilleur d’une troupe de jeunes comédiens amateurs. Tout sonne extrêmement vrai et juste et donne lieu à une radiographie assez brute d’une jeunesse vive confrontée à une société en crise et riche en tensions politiques. Le social s’entremêle avec brio à l’intime : aux échanges de groupe pleins de spontanéité se dessine le face à face d’Olivia et Antoine qui va devenir de plus en plus étouffant jusqu’à une nuit presque fantastique, glaçante au possible.
L’atelier raconte entre amusement et dureté la rencontre de deux mondes, deux classes, deux univers, avec tout un tas de non dits, d’émotions intériorisées. C’est toujours sur le fil, fort, entre noirceur abyssale et espoir.
Film sorti en 2017 et disponible en VOD