VIVRE SANS NOUS (Are we lost forever) de David Färdmar : douleur de la rupture

By Gaspard Granaud | 7 mars 2021

Vivre sans nous (Are we lost forever en VO) de David Färdmar s’attaque très frontalement au sujet universel de la rupture. Et soyez prévenus : ça appuie là où ça fait (très) mal !

Adrian (Björn Elgerd) et Hampus (Jonathan Andersson) se sont aimés follement mais un matin le couperet tombe : ils ne peuvent plus supporter d’être ensembles et vont se séparer. Une décision difficile et déchirante qui va provoquer de multiples changements. Les amoureux vivaient ensemble et Hampus doit déménager. 

Comme souvent lors d’une rupture, la première étape est celle de l’affrontement et de la colère. Adrian et Hampus se disent des choses qu’ils finiront par regretter, cèdent à la tentation de la cruauté. La séparation les amène tous les deux à se sentir démunis, détruits par le manque de l’autre. Par moments, la tentation de se remettre ensemble surgit car la douleur de ne plus être un « nous » se fait trop insupportable, semble insurmontable. Mais si les deux garçons ont fini par en arriver là, c’est qu’il y avait des raisons. 

Plus lucide sur la situation, Hampus comprend que malgré l’amour qui le lie à Adrian ils peuvent difficilement continuer à être ensembles car ils sont trop différents, parfois incompatibles, et surtout parce qu’Adrian, qui est un véritable control freak, ne peut s’empêcher de lui faire du mal tôt ou tard en voulant le modeler selon ses propres désirs (le garçon s’esquisse au fil du récit comme un éternel insatisfait au fort potentiel toxique pour lui comme pour les autres). 

Celui qui au final va le plus subir cette épreuve de rupture est donc Adrian. Le personnage est montré dans toute sa complexité et son ambivalence, le scénario ne lui fait pas de cadeaux allant parfois jusqu’à le rendre antipathique. Derrière son apparence de mec lisse et qui gère toujours la situation se cache un trentenaire complètement névrosé et torturé, incapable de s’extraire de ses propres lubies destructrices.

C’était un pari risqué pour ne pas dire casse-gueule de faire de lui le personnage principal. Certains pourront sans doute le trouver assez insupportable mais cette forme de nombrilisme et de monstruosité même qui peut l’habiter parfois, l’anxiété et la douleur qui le rongent, rendent indéniablement le film intéressant et plus complexe qu’il n’en avait l’air. Le jeu de l’acteur Björn Elgerd est très intense et incarné. On ressent toute sa détresse, psychique comme physique. 

Les choses vont basculer quand Adrian va réaliser que Hampus est décidé à tourner la page et qu’il pourrait ne pas revenir vers lui. Par le passé, les deux garçons s’étaient déjà séparés puis remis ensemble donc l’espoir que cette séparation ne soit qu’une parenthèse était là. Mais cette fois les choses pourraient être différentes… 

L’écriture du film est très précise et personnelle, tranchante. Vivre sans nous retranscrit la multitude d’émotions qui peut nous envahir quand on se retrouve à quitter celui que l’on a tant aimé : la colère, le soulagement, le manque, la tentation de reprendre, l’impression qu’on ne pourra jamais vivre sans l’autre, l’évasion via le sexe facile, l’éventualité de nouvelles rencontres, l’espoir de rester amis. Pour les plus romantiques d’entre nous, la rupture amoureuse peut parfois constituer l’une des plus dures épreuves de la vie, briser une part de nous à tout jamais. 

Le réalisateur David Färdmar a fait le choix de plonger complètement et en profondeur dans son sujet et sa mise en scène réussit parfaitement à matérialiser le mal-être que l’on peut ressentir dans ces moments-là au point que parfois en tant que spectateur on se retrouve nous-mêmes à avoir du mal à respirer ou à avoir envie de pleurer (tout dépend où vous vous situez par rapports à vos exs disons, moi j’avoue j’ai fini en larmes ;-)). 

Entre autres métaphores, il y a le motif du lit du couple qui revient tout le film durant. C’est le symbole d’une vie sexuelle qui s’est épuisée et cela va devenir le reflet du lien entre Adrian et Hampus. Quand ce dernier déménage, il insiste pour récupérer la moitié du lit ! Ce qui ne manquera pas de rappeler chaque soir à Adrian qu’un bout lui manque… Côté motifs / thématiques on retrouve aussi l’obsession et la répétition. Adrian est un garçon prêt à répéter encore et encore les mêmes erreurs et quand à un moment il envisage de se jeter dans une nouvelle histoire on notera qu’il jette son dévolu sur un garçon qui ressemble étrangement au double de son ex…

Vivre sans nous n’est pas un film « facile », il est plutôt tout l’inverse : sans concession et douloureux. C’est ce qui en fait indéniablement sa force singulière et qui pourra avoir un effet cathartique pour de nombreux spectateurs au coeur brisé. Comme si l’oeuvre nous invitait à crier et à pleurer un grand coup, à tomber au plus bas, pour mieux à terme être en mesure de nous relever. 

Film produit en 2020 et disponible en DVD aux éditions Outplay et en VOD (notamment sur OutplayVOD)