FICTIONS LGBT
AMORE AMORE (Beyond Love) de Silvio Alfonso Nacucchi : prêts à tout
Anna (Simona Molinari) et Marina (Jessica Resteghini) fêtent leurs 10 années d’amour au restaurant et sont rejointes par Stefano (Marco Gandolfi Vannini) et Tony (Graziano Scarabicchi), couple d’amis gays proches. Au fil de ses années avec sa compagne, Marina a appris à composer avec la relation fusionnelle que celle-ci entretient depuis l’enfance avec Stefano. Si elle est lesbienne et lui gay, ils ont un lien extrêmement fort qui peut facilement venir parasiter leurs relations sentimentales respectives.
Alors que Marina fait part à Anna de son désir d’avoir un enfant, c’est d’abord la joie qui s’empare d’elles. Puis vient le temps de la discorde : chacune veut être celle qui portera le bébé et ne peut accepter de « céder sa place » à l’autre. Ce projet qui aurait à la base dû renforcer leur union vient finalement empoisonner leur quotidien et donne lieu à des affrontements violents.
Se changeant les idées avec son ami Stefano, Anna finit par lui demander s’il accepterait de lui donner son sperme afin d’éviter d’avoir à payer 15 000 euros pour bénéficier de la semence d’un donneur. Quand elle comprend qu’il n’est pas prêt à l’aider, pour la première fois leur amitié se fragilise. Ce n’est que le début de la tourmente pour eux ainsi que pour ceux qui les aiment. Les mois qui vont suivre vont être riches en dérapages et en remises en question…
Si le cinéma italien se penche régulièrement sur des thématiques LGBT, en général, notamment depuis quelques années, il le fait par le biais de comédies légères et pas forcément inoubliables. Amore Amore (Beyond Love pour son titre international) a le mérite de dresser le portrait de deux couples, l’un gay et l’autre lesbien, via un angle profond et dramatique. Les personnages sont attachants, les acteurs à la fois bons et sexy. Si la mise en scène est assez classique, télévisuelle, le scénario ,lui, se révèle pour le moins imprévisible et décapant. D’une situation assez simple (deux filles amoureuses songent à avoir un enfant), l’intrigue bifurque vers des rebondissements absolument inattendus et dévastateurs portés par un ton étrange.
Les différents protagonistes sont ambivalents, attachants et émouvants au détour d’une scène puis violents, presque hystériques, à la suivante. Le drame intimiste réaliste du départ s’estompe rapidement pour donner lieu à un torrent de bouleversements dignes des Feux de l’amour. C’est parfois hautement improbable (c’est peu dire que les réactions des personnages nous échappent, flirtant régulièrement avec l’absurde), ça ne manquera pas d’en dérouter plus d’un mais bizarrement c’est ce qui fait aussi le sel de ce curieux projet qui semble absolument se ficher de la morale, du bien et du mal.
Evoluant dans leur petit monde et visiblement avec leurs propres règles, ce carré d’amis aux relations telles des montagnes russes, ne manque pas de surprendre. Si l’ensemble a quelque chose de malade, de parfois raté, il y a une saveur singulière, une folie, un traitement en décalage avec tout ce que l’on peut voir d’habitude.
On retiendra surtout en filigrane l’amitié à la fois belle et complètement excessive entre Anna et Stefano ainsi que la patience et l’énorme ouverture d’esprit de leurs conjoints vis à vis de leurs multiples frasques. A travers eux, le réalisateur Silvio Alfonso Nacucchi semble vouloir nous dire que quand on aime quelqu’un (d’amour ou d’amitié), on peut absolument tout supporter et pardonner.
Film produit en 2014 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen