FICTIONS LGBT
EL MAR de Agusti Villaronga : rédemption impossible ?
Majorque, 1936. La guerre civile sévit et de nombreux hommes sont fusillés. Un petit garçon, fils de meurtrier, est l’objet d’une vengeance. Il y perdra la vie. Trois enfants participent plus ou moins volontairement à ce règlement de compte sordide : Manuel (Bruno Bergonzini), Ramallo (Roger Casamajor) et Francisca (Antonia Torrens). Leur existence ne sera jamais plus la même.
Plus de dix ans après cet incident, les enfants qui sont devenus de jeunes adultes se retrouvent dans un sanatorium. Manuel est très malade et passe son temps à prier, il est devenu un véritable fanatique. Francisca est devenue une nonne qui soigne les malades du sanatorium. Ramallo est en apparence le plus équilibré mais il a grandi dans la douleur, plongeant dans de mauvais coups et dépendant d’un vieil homme avec qui il a eu une relation pas très consentante…
Alors que la maladie et la mort planent constamment, Ramallo, Manuel et Francisca vont être amenés à affronter leurs vieux démons. Pas forcément pour aller de l’avant…
Adaptation d’une nouvelle de Blai Bonet, El mar déploie son intrigue en deux temps. La première partie suit les personnages enfants qui vont être amenés brutalement à perdre leur innocence. La seconde se passe dans un sanatorium à l’atmosphère très étrange, entre désir et étouffement. Comment grandir après avoir commis ou assister à l’irréparable ? Jusqu’où peut-on se blâmer, se mentir à soi-même ? Il règne tout le métrage durant une ambiance « à la Almodovar », on brule de désir pour l’acteur interprète de Ramallo, Roger Casamajor. C’est le personnage central d’El mar, celui qui donne d’ailleurs son titre au film.
El mar (la mer), c’est ce dont rêve Ramallo. Un jour, il a plongé dans l’eau et pendant un bref instant, il a eu la sensation de pouvoir y respirer, y a trouvé une sorte d’état second, loin de ses tourments. Tous les protagonistes du film (à un âge clé de la construction identitaire : la fin de l’adolescence) se fuient eux-mêmes, tentent d’échapper au monde. La peur quasi-obsessionnelle du mal, du pêché, n’est-elle pas au final pour eux la peur de se percevoir soi-même, avec leurs zones d’ombres ?
On est parfois perdus dans cette fiction au scénario un poil alambiqué. On y parle de croyance, de solitude, de désirs inavoués ou destructeurs, de rédemption impossible, de fatalité…Le réalisateur parvient à nous amener dans un univers parfois sensuel et dérangeant et même si sa mise en scène est parfois trop appuyée (par des effets artificiels, une musique très présente) , on se laisse emporter par ces âmes blessées en quête de lumière.
Film produit en 2000 et disponible sur Outplay VOD