FICTIONS LGBT
MAN IN AN ORANGE SHIRT : coeurs d’hommes
Man in an Orange Shirt est une mini-série en deux épisodes ou fiction en deux volets si vous préférez. Écrite par Patrick Gale et réalisée par Michael Samuels, elle raconte sous le prisme d’une mini saga familiale deux histoires d’amour entre hommes très fortes. Diffusée sur la BBC au Royaume-Uni en 2017, elle est instantanément devenue un classique.
Tout commence en Angleterre pendant la Seconde Guerre Mondiale. Alors qu’enfin le combat touche à sa fin, le très beau Michael Berryman (Oliver Jackson-Cohen) sauve un autre soldat qui ne lui est pas inconnu. Ce soldat, c’est Thomas March (James McArdie), un garçon qu’il avait connu pendant l’adolescence. Ils n’étaient pas proches mais logiquement après que Michael lui ai sauvé la vie les deux hommes sympathisent. Et très vite Thomas signifie son désir à Michael qui est loin d’y être insensible.
A cette époque où l’homosexualité est passible d’emprisonnement, l’amour naissant qui se déploie devient rapidement problématique. Artiste peintre, Thomas aimerait pouvoir défier l’ordre établi et ne pas trop se soucier du regard des autres. Plus terre à terre et angoissé, Michael, lui, envisage de mener une double vie. Il a prévu d’épouser son amie d’enfance, Flora (Joanna Vanderham). Forcément, cette union va complexifier la relation entre les deux amants contraints de s’aimer clandestinement. Et les choses vont encore plus se corser quand Flora va découvrir le secret de son époux faussement modèle dont elle attend un enfant…
La première partie de Man in an Orange Shirt joue donc la carte du drame historique mêlé à une passion impossible et elle le fait avec brio : belle reconstitution, très bons acteurs, bande-originale sublime, émotions fortes, élégance digne d’un film classique.
La deuxième partie nous propulse dans le Londres d’aujourd’hui où nous retrouvons Flora désormais âgée (interprétée par Vanessa Redgrave). On comprend qu’elle a élevé et s’occupe seule de son petit-fils Adam (Julian Morris, la bombe qui incarnait Wren dans la série ado « Pretty Little Liars » et dont le talent explose ici). Adam est un garçon perdu dans sa vie. Vétérinaire, il noie ses démons (l’absence de ses parents est à l’évidence une grande fêlure) en se perdant dans des rencontres éphémères et scabreuses via des applications de drague gay. Il fait un jour la rencontre d’un beau jeune homme sensible, Steve (David Gyasi), dans son cabinet. Une histoire pourrait commencer et elle pourrait amener Adam a annoncer à sa grand-mère qu’il est gay, même s’il redoute sa réaction.
Le jeune homme est loin de se douter de l’historique familial et que sa propre identité sexuelle va possiblement raviver des plaies très mal cicatrisées. Adam va par ailleurs hériter du cottage de son grand-père dans lequel ce dernier avait vécu de grands moments d’amour avec son amant…
Deux parties distinctes, deux histoires d’amour contrariées pour des raisons très différentes. Le point commun : la difficulté de s’accepter, la peur de blesser ceux que l’on aime, les sacrifices que l’on fait parfois par amour, les lâchetés qui peuvent briser des vies. La trame peut paraître assez classique de prime abord mais son traitement fait toute la différence. Man in an orange shirt a ce je ne sais quoi d’obsédant, dispose d’une très belle forme, d’une écriture très sensible et soignée, d’acteurs magnifiques. C’est complètement universel, on est emporté du début à la fin et ces deux histoires d’amour croisées touchent droit au coeur.
Au souvenir hanté d’une homosexualité impossible à assumer vouant la majorité des romances à l’échec et à la destruction répond notre époque contemporaine où malgré la possibilité nettement plus aisée de s’assumer beaucoup de jeunes homosexuels cèdent à l’autodestruction. Avec délicatesse et sans jugement, Man in an orange shirt observe cette drôle de malédiction de la clandestinité des rapports entre hommes, ces pulsions animales qui servent d’exutoire quand on ne s’autorise pas à assumer qui l’on est vraiment et à oser ouvrir son coeur. Cette très belle histoire rappelle que peu importe les époques il faut du courage pour aimer, que ça n’est pas facile. Par amour on se bat, on se sacrifie parfois, on souffre… mais c’est si beau.
Après des années d’attente la série est enfin sortie en France en 2021 sur MyCanal