FICTIONS LGBT

BIBLIOTHÈQUE ROSE de François Zabaleta : dangereuse obsession

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Cinéaste underground français qui acquiert au fil des films et des années le statut de réalisateur culte, François Zabaleta surprend avec son nouveau long-métrage de fiction Bibliothèque Rose qui nous plonge dans la tête d’un adolescent gay très perturbé. 

Valentin (Louis le Golvan) est un jeune ado gay vivant dans une petite bourgade de Province. Un jour, il aperçoit un commerçant de sa ville bien connu de ses parents en train de courir nu au beau milieu de la nature. Cette vision, peut-être la première grande vision érotique de sa jeune existence, génère en lui un basculement. L’homme s’appelle Bruno, il a l’âge d’être son père, est un homme hétéro marié au physique banal. Valentin le connaissait déjà depuis l’enfance et ne l’avait jamais particulièrement remarqué. Mais dès lors qu’il le voit nu, emporté par un élan de liberté, de vie, et de communion à la nature, commence une obsession. 

Valentin se dit amoureux, il est convaincu que lui et Bruno doivent vivre quelque chose ensemble et va se révéler être absolument prêt à tout pour que cela arrive. Petit à petit, ce qui pouvait n’apparaître que comme un petit béguin adolescent va se révéler être une dangereuse obsession, révélant le fonctionnement malade de Valentin, véritable petit sociopathe en puissance. 

bibliothèque rose film françois zabaleta

On retrouve ici ce qui a toujours fait le charme et la singularité des oeuvres de François Zabaleta : une narration qui se déploie grâce à la voix off de l’auteur (une voix calme, posée, douce, presque hypnotique) et une succession d’images qui nous amènent à visualiser / imaginer un peu plus ce qui nous est raconté. Sauf qu’ici François Zabaleta laisse de côté le mashup habituel qui était un peu devenu sa marque de fabrique (ses oeuvres mêlent en général images d’archives, extraits de films, photographies et prises de vue réelles et originales) pour délivrer une oeuvre esthétiquement très aboutie. Bibliothèque Rose est son film le plus fascinant visuellement, proposant des images fortes, parfois dérangeantes, travaillant le corps et l’inconscient. La beauté et la puissance des mots épouse plus que jamais la beauté des images. 

Ayant beaucoup travaillé avec des actrices, le cinéaste semble ici se laisser aspirer par la photogénie de son jeune comédien Louis Le Golvan. Sa grâce juvénile, angélique, contraste parfaitement avec ce que la voix off raconte, renforçant le trouble et la perversité de l’ensemble. Ce qui est raconté est profondément sombre, terrible, morbide. Mais ce qui pourrait nous glacer le sang du début à la fin passe étrangement de façon très fluide, presque douce, de par la voix off toujours très calme et un rythme comme volontairement engourdi, lancinant. On a comme l’impression de naviguer dans un doux cauchemar, funeste, hypnotique et vénéneux, dont on ne réalise l’horreur et l’infinie brutalité qu’après coup. 

Jouant constamment la carte de l’ambiguïté, sondant en profondeur l’esprit malade d’un jeune gay faussement romantique et réellement sociopathe, se plaisant à ébranler le sens moral de son spectateur, Bibliothèque Rose est une expérience de cinéma à part, immersive, à la force noire entêtante. 

Film présenté au Festival Chéries Chéris 2021

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3