FICTIONS LGBT

MY DARLING (Jump, Darling) de Phil Connell : amour malgré tout

By  | 

Premier long-métrage du réalisateur Phil Connell, My Darling (Jump, Darling en VO) suit le cheminement d’un jeune gay un peu perdu qui va trouver petit à petit des réponses à ses questionnements tout en vivant un moment chez sa grand-mère se considérant en fin de vie. 

Il y a quelque chose de très doux et de profondément attachant dans ce film qui fait passer beaucoup d’émotions et de sentiments sans que cela ne vienne nécessairement des dialogues. Nous entrons dans le film à travers le personnage de Russell (impeccable Thomas Duplessie). Ado, il rêvait de devenir acteur et il a poursuivi cette voix jusqu’à un peu en revenir. Ne croulant pas sous les propositions, le jeune artiste se prépare à s’illustrer dans des numéros de drag queen au sein d’un club réputé de sa région. Mais son petit ami Justin (Andrew Bushell), un avocat qui n’a pas l’air franchement ouvert d’esprit, lui confesse regretter avant sa première prestation dans le club qu’il se réduise à faire du drag show qui est pour lui quelque chose d’un peu honteux. 

Ne sachant plus où il en est dans sa vie et dans ses aspirations, n’étant pas à l’aise avec un partenaire de vie étriqué et dans le jugement, Russell plie bagage et va dans la petite bourgade où vit sa grand-mère veuve. Cette dernière lui avait promis une voiture et il pense rester 24h histoire de la voir et de repartir avec l’auto. Une fois sur place, il réalise toutefois que la grand-mère, Margaret (magnifique Cloris Leachman), n’est pas en très grande forme. À l’évidence rongée par la solitude, réduite dans ses capacités, ne se sentant plus complètement elle-même, elle lui fait comprendre qu’elle a besoin d’aide et de compagnie. Russell s’installe alors pour quelques temps et va égayer sa maison. 

my darling film phil connell

Il y a un amour évident entre le petit fils et la grand-mère et leur relation, loin d’être parfaite mais ô combien touchante, constitue le coeur du métrage. Avec sensibilité et aussi parfois de douleur et d’amertume, le réalisateur montre le poids de l’existence quand on arrive à un âge où tout semble définitivement derrière soi, où l’on a l’impression que l’on s’échappe à soi-même et où l’impulsion de vouloir en finir peut être là. Si Russell aime tant sa mamie, c’est sans doute pour la femme forte qu’elle est. Elle croit en ce qu’elle veut, elle ne se laisse pas faire, quand elle a une idée en tête on lui en fait difficilement changer. 

Tenant sur des petites choses qui parviennent à émouvoir profondément, My Darling montre ce lien – fragile mais bien là, toujours palpable – entre deux personnes qui ne sont pas de la même génération, qui n’ont pas forcément énormément de choses en commun mais dont l’amour inconditionnel va faire basculer le destin. Jusqu’à une dernière partie à la fois terrible et belle, on suit le cheminement et la communion de deux personnages magnifiquement écrits et interprétés. 

my darling film phil connell

L’un des sujets qui ressort est celui de la dignité. Vouloir mener sa vie jusqu’à son terme comme on l’entend. Alors que l’on avance dans le film, on comprend que ce qui porte Russell c’est le fait de se produire en drag. La vie est courte, imprévisible, souvent dure, et pour ce jeune homme qui a encore tout à écrire, les doutes vont progressivement laisser place à l’affirmation. Avec subtilité et générosité, le cinéaste délivre une déclaration d’amour au métier de drag queen. Qu’importe que certains trouvent que ça n’est pas aussi chic que d’être acteur : on comprend avec Russell ce que ces performances peuvent avoir de beau, libérateur et profond. 

Jouant constamment sur les nuances, sur les travers des personnages et les relations qu’ils ont entre eux faites de hauts et de bas, de complicité et de petites traitrises, ce long-métrage a je ne sais quoi de très authentique qui fait mouche et nous laisse sonné et ému quand défile le générique de fin. La vie et les relations ne sont pas parfaites, tout est fragile mais restent dans les coeurs des liens inoubliables, au-delà de la vie, au-delà de tout. 

Film produit en 2020 et disponible en DVD et VOD aux éditions Outplay 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3