KINNPORSCHE : la série gay « Boyslove » et thriller déjà culte !

By Gaspard Granaud | 10 septembre 2022

C’est la grosse surprise de 2022. La série thaïlandaise KinnPorsche est peut-être ce qu’on a vu de plus rafraichissant et d’original côté séries à thématique gay depuis des années. Issue du phénomène « Boyslove » (Yaoi ou BL pour les intimes – petit nom qui vient de la culture pop japonaise pour les fictions mettant en scène des histoires d’amour entre personnages masculins), cette impressionnante super production riche en action nous plonge au coeur d’un thriller dans la mafia… avec des personnages gays partout et une (très) grande histoire d’amour. C’est complètement inattendu, badass et jouissif ! 

La série s’ouvre sur deux personnages qui n’ont à priori rien à voir l’un avec l’autre. D’un côté Kinn (Mile / Phakphum Romsaithong), fils du plus influent mafieux des environs prêt à prendre la relève de son père affaibli par des problèmes de santé. Pas là pour plaisanter, le jeune homme n’hésite pas à sortir son gun pour régler ses problèmes… et ils sont nombreux. De l’autre, Porsche (Apo / Nattawin Wattanagitiphat), un jeune playboy pétillant qui travaille dans un bar-lounge où il attise les convoitises de toutes les clientes et ravit tout le monde avec ses super cocktails. 

Une nuit, alors que Kinn est pourchassé par des ennemis, il atterrit par hasard dans le bar de Porsche qui lui vient en aide. Les jours qui suivent, Kinn veut absolument le retrouver pour lui proposer de l’embaucher comme garde du corps. Quand il parvient à retrouver sa trace, Kinn refuse poliment, comprenant bien qu’il est face à un mafieux évoluant dans un univers très dangereux. Mais Kinn ne va pas prendre son non pour une réponse… 

Porsche va être amené à devoir revenir sur sa décision à cause du contexte familial dans lequel il évolue. Suite au décès de ses parents, il a élevé son petit frère Porschay (Barcode / Tinnasit Isarapongporn) seul avec son oncle. Porschay rêve d’intégrer une école de musique, c’est un adolescent doux et naïf que Porsche tient absolument à protéger. Mais voilà que la famille est menacée à cause de l’oncle qui a un problème d’addiction au jeu et qui doit beaucoup d’argent à des gens violents. S’il ne rembourse pas ses dettes rapidement, à tout moment les siens pourraient être menacés. Pour éponger ces dettes et garantir la sécurité de son frère, Porsche accepte finalement à contre-coeur la proposition de Kinn. 

Du jour au lendemain, le bogosse libre et insouciant se retrouve à intégrer un empire mafieux redoutable. Comme tous les gardes du corps de l’immense demeure de la famille de Kinn, les Theerapanyakun, il va devoir suivre une formation intensive. Désormais sa vie appartient à ces mafieux et on attend de lui qu’il file droit. Chose qu’il va avoir du mal à faire, peu habitué à ce qu’on lui donne des ordres. De quoi susciter des frictions, notamment avec Kinn. Etrangement, Kinn comme son père semblent un peu laxiste à son sujet… 

Pour l’apprenti garde du corps, c’est la découverte d’un nouveau monde, plein de faste mais aussi de dangers. Le spectateur entre avec Porsche dans cet univers luxueux entre amusement et terreur. La demeure des Theerapanyakun est pleine de gardes du corps souvent fantaisistes qui vont amener une bonne dose d’humour dans la série. Porsche va partager sa chambre avec Pete (Build / Jakapan Puttha), un jeune homme rigolo, un peu potache et très gentil qui pour sa part est l’un des gardes du corps de frère de Kinn, Tankhun (Tong / Thanayut Thakoon-auttaya). Ce dernier se tient loin des manigances mafieuses, ayant des problèmes psychiques suite à un incident traumatisant survenu pendant son enfance. Il passe alors ses jours et ses nuits à regarder la télévision ou des fictions, forçant ses gardes du corps à tout regarder avec lui. 

Constituée de 14 épisodes de plus ou moins une heure, la série est très dense et joue de façon réjouissante sur plusieurs tableaux. 

Il y a la trame thriller sur la mafia qui constitue le fil rouge et le décor de l’ensemble. La famille Theerapanyakun est l’empire mafieux numéro un et a logiquement de nombreux ennemis pouvant tenter à n’importe quel moment d’abattre ses membres. Pour régner sur le crime organisé des environs, les Theerapanyakun ont deux branches : la « Main Family » composée de Kinn, son père Korn et toute leur équipe et la « Minor Family » constituée de Kun (Ex / Piya Vimuktayon), le petit-frère de Korn et oncle de Kinn, et son fils Vegas (Bible / Wichapas Sumettikul). On comprend rapidement que cette scission au sein d’une même famille n’est pas franchement un hasard. Il y a potentiellement des cadavres dans le placard et des tensions entre Korn et Kun. Et dès le départ on sent que la « Minor Family » est un peu agacée de ne pas pouvoir mener la danse et de souvent devoir se plier aux choix de la « Main Family ». Derrière les sourires de façade, la méfiance est de mise. KinnPorsche réserve de nombreux coups bas, manipulations et retournements de situation garantissant un bon nombre de scènes d’action, de gun fights et de bastons. Celles-ci n’ont rien à envier aux références du genre et sont très bien chorégraphiées. 

Autre genre, un peu plus maladroitement exécuté ici : le drame familial ou plutôt devrait-on dire la tragédie familiale étant donné les rebondissements parfois outranciers qui jalonnent l’intrigue. Il y a beaucoup de secrets, cachotteries et mensonges au sein de la famille Theerapanyakun et ceux-ci vont avoir une importance notable et des répercutions sur d’autres personnages importants. Les liens du sang sont importants dans KinnPorsche. Ca l’est forcément pour une série qui se déroule dans l’univers de la mafia mais cette thématique est aussi clé pour le personnage de Porsche. Si Kinn semble prêt à tout pour sauver l’empire familial, Porsche est pour sa part capable de n’importe quoi pour que son petit frère reste sain et sauf. Mais la famille ce sont aussi des rancoeurs, des jalousies, des rivalités, des non-dits ou des conflits. Kinn ne peut évidemment pas tenir tête à son père comme n’importe qui et Porsche va apprendre à se méfier de son oncle bien moins fiable et lisse qu’il n’en a l’air. 

Les liens du sang sont une chose et évidemment il n’y a que ceux du coeur qui peuvent permettre de les chambouler. On en arrive à la grande force de la série : son histoire d’amour. Une romance entre un grand mafieux et un garde du corps, ça a le mérite de surprendre. Dans cet univers viriliste, voir deux mecs tomber amoureux et vivre une passion qui se transforme en grande romance est complètement rafraichissant et réjouissant. Il y a quelque chose de vraiment jouissif dans le fait de voir des mecs badass qui sortent leur flingue, se bastonnent et s’aiment avec une forme de candeur pour le moins inattendue. Il y avait le film de « truands gays » Vies brûlées qui avait marqué à l’époque mais ça date. Cela peut paraitre un peu anecdotique mais quand on est gay voir ce genre de personnage assumer un amour qui n’est pas hétérosexuel ça fait quelque chose. Et oui, même si évidemment ça n’a rien de glorieux d’être dans la mafia et de se livrer à la castagne, ça a quelque chose de fun et de satisfaisant car cela banalise complètement l’orientation sexuelle. 

C’est ce qui fait sans doute que KinnPorsche a connu un succès aussi retentissant et déclenché de vives passions chez les LGBTQI+ qui l’ont regardée. Jamais l’orientation sexuelle n’est un sujet ou une source de drame. Le fait d’être attiré par un garçon est ici totalement naturel, c’est une donnée anecdotique. Et les scénaristes poussent la chose à son paroxysme et redonnent à la fiction tout son pouvoir : KinnPorsche a ainsi des allures de réalité alternative, celle d’un monde où la majorité des mafieux et leurs gardes du corps seraient presque tous gays ! Le show est d’une folle puissance car il rend complètement crédible, grâce notamment à la très bonne incarnation du cast, les multiples romances gays qui se déploient à l’écran. Kinn et Porsche ne constitueront en effet pas la seule histoire d’amour entre mecs de la série, loin de là. Au fur et à mesure on découvre que la grande majorité des protagonistes sont homos ou bis et se mettent en place de façon étonnamment fluide tout un tas de love stories. 

Si jamais cette fiction ne se fait officiellement porte drapeau, il y a quelque chose d’indiscutablement militant et puissant dans le fait de prendre un univers imprimé dans les esprits pour être très macho et peu ouvert d’esprit et le transformer en une sorte de fantaisie homosexuelle paraissant tout à fait normale et réaliste. Quand deux garçons tombent amoureux ici, au minimum ceux qui les entourent ne tiquent pas et dans la plupart des cas ils accueillent cela avec enthousiasme. 

Mine de rien, KinnPorsche nous offre l’une des galeries de personnages gays les plus géniales qu’on ait jamais vu dans une série ! Au premier plan, la très forte et émouvante romance entre Kinn et Porsche qui offre une flopée de moments mignons, craquants et parfois coquins (il faut absolument voir la série dans sa version « uncut » qui s’intitule Kinnporsche The Series La Forte, dispo sur le site Iqiyi et qui contient toutes les scènes d’intimité non censurées – la version diffusée à la télévision était plus lissée). Le summum de la mignonnerie est atteint dans l’épisode 8 apte à faire fondre les coeurs les plus résistants. Quoi de plus beau que de voir un mafieux super dur ouvrir son coeur au rayonnant élu de son coeur ? 

Les histoires d’amour périphériques ne déméritent pas non plus. Notamment celle qui concerne Vegas, l’ultime bad boy et personnage le plus sombre de la série. Ce dernier va apporter à l’ensemble quelques-uns de ses moments les plus sombres et controversés. Sans trop en dévoiler, Vegas va en effet tisser une passion destructrice avec un garçon qu’il aura pris en otage. Une liaison tordue aux accents BDSM, surprise supplémentaire et traitée sans fausse pudeur et de façon tout à fait troublante. 

Enfin, impossible de ne pas mentionner le personnage ultra queer, totalement perché, hilarant et dément de Tankhun qui nous fait au minimum sourire à chaque apparition. Un personnage qui constitue un véritable show à lui tout seul. 

Si les mauvaises langues pourront toujours dire que KinnPorsche est une série par moments totalement « what the f*ck », on admettra qu’elles n’ont pas tout à fait tord mais la vérité est que c’est aussi pour ça qu’on l’adore ! Ce qui est galvanisant ici, c’est la sensation de voir quelque chose de tout à fait inédit et imprévisible. On ne sait jamais vraiment où ça va aller et on est très fréquemment surpris. Le scénario ne manque ni d’audace ni de folie et c’est hyper divertissant et exaltant. On passe absolument par toutes les émotions entre scènes d’amour qui touchent souvent à la rêverie et au sublime, la peur de voir des personnages qu’on aime être abattus, le suspense thriller, et une infinité de moments de comédie irrésistibles et très réussis. On a l’impression d’être devant un projet complètement fou et on a envie de crier notre amour à toute l’équipe derrière le projet car c’est une véritable prouesse d’être parvenu à mixer les émotions et les genres comme ça.

Profondément originale et culottée, d’une liberté de ton totale, KinnPorsche est déjà culte pour de nombreuses personnes qui ont eu le plaisir de la découvrir. Une folle densité, des personnages géniaux et parfaitement incarnés jusque dans les plus petits rôles, une bonne dose de fun, de sexy (bonne chance pour ne pas tomber amoureux de Porsche qui est tellement chou / mention spéciale au discret garde du corps de Korn – sexy daddy discret qui a troublé plus d’un spectateur), d’humour… On pourrait en écrire des tartines encore et encore tant l’univers singulier créé renverse l’air de rien tout ce qu’on connaissait et qu’on avait vu. On s’en fiche des petites faiblesses et des incohérences : il y a là-dedans un ingrédient secret, un talent, un grain de folie qui font qu’on perd toute objectivité et qu’on bascule dans la passion totale… un peu comme les deux personnages principaux. LE coup de coeur de 2022.

KinnPorsche n’est à l’heure de l’écriture de ces lignes pas légalement disponible en VOSTFR ou VF (pour la VOSTFR il y a des moyens de se débrouiller comme avec ce tuto par exemple). Personnellement je l’ai regardée en VO sous-titrée anglais en m’abonnant sur le site IQIYI (c’est une plateforme internationale à la Netflix et l’abonnement est à 9 euros – au final pour 14 épisodes c’est un tarif honorable et la série est tellement démente vous ne le regretterez pas)