ISAAC de Angeles Hernández et David Matamoros : entre passé et avenir

By Gaspard Granaud | 18 septembre 2022

Premier long-métrage de Angeles Hernández et David Matamoros, Isaac nous balade à travers son intrigue sinueuse et imprévisible entre drame bourgeois et quêtes existentielles. 

Espagne. Nacho (Pepe Ocio) mène en quelque sorte une petite vie bourgeoise parfaite. Marié à Marta (Maria Ribera), issue d’une famille très aisée, il évolue dans l’univers de la politique avec un certain succès. Le couple essaie en vain d’avoir un enfant depuis quelques temps et commence à se poser la question de la GPA. 

Un jour, Nacho va prendre un café avec un vieil ami, Denis (Iván Sánchez). A l’adolescence, ils formaient avec un autre camarade, Isaac, un trio inséparable. Mais un jour Denis avait subitement déménagé. Une absence qui ne fut pas sans conséquences. Aujourd’hui, cet homme charmant – et qui le sait – vit en couple avec Carmen (Erika Bleda). Cette dernière se satisfait d’une vie au jour le jour et de la petite boutique de créatrice qu’elle tient. Denis, lui, rêve de lancer son propre restaurant gastronomique mais il n’a pas les fonds pour. 

A l’évidence, si Denis a repris contact avec Nacho ça n’est pas seulement par pure nostalgie. Sachant que son vieil ami a réussi dans la vie, il lui demande de lui prêter de l’argent. Nacho saute sur l’occasion pour lui proposer un étonnant marché : il lui prêtera l’argent s’il convainc sa compagne Carmen de faire une GPA.  

Alors que, pour amour pour Denis, Carmen accepte et que se lance le processus, plusieurs vérités vont progressivement sauter au visage des quatre protagonistes. En quelques mois, ils vont devoir se confronter à leur passé, leurs secrets et se questionner sur ce qu’ils veulent vraiment pour leur futur. 

S’appuyant sur une mise en scène élégante et un quatuor de comédiens au top, ce premier long-métrage indépendant a le mérité d’être assez imprévisible. La trame repose beaucoup sur des questionnements intimes et autres interrogations existentielles et le duo de réalisateurs joue habilement sur plusieurs tableaux. 

Il y a d’abord évidemment l’aspect drame bourgeois avec le vernis qui craque progressivement. Derrière leur apparence de couple aisé et apaisé, lisse et sans histoires, Nacho et Marta cachent chacun des choses. L’irruption de Denis et Carmen va amener un contraste permettant une sorte d’opposition de classes. Pas cliché, le scénario nous montre que ces deux-là qui vivent plus modestement ne sont pas forcément plus heureux ou plus libres et ont aussi leur lot de non-dits. Si Carmen apparait comme le personnage le plus honnête et authentique, Denis est lui beaucoup plus complexe à cerner, parfois franchement égoïste et manipulateur.

Plusieurs flashbacks atmosphériques ponctuent le film, nous ramenant à l’adolescence de Nacho. On comprend qu’il est hanté par cette époque et qu’elle marqua pour lui le début de désirs qu’il semble encore refouler aujourd’hui. Plus on avance dans l’intrigue plus il apparait clair que Nacho a des sentiments pour Denis et que ce dernier en joue un peu. De quoi rendre leur projet commun de GPA ambigu et mouvementé. 

Jusqu’où peut-on aller par amour ? Jusqu’à quel point peut-on se mentir à soi-même pour satisfaire la personne que l’on aime ? Que ce soit par engagement, fidélité ou simplement pour sauver les apparences, les différents protagonistes usent de tromperies plus ou moins assumées ou cruelles. 

Jusqu’à un dernier tiers cathartique, passé, présent et aspirations pour l’avenir s’entrechoquent avec beaucoup de justesse et une petite pointe d’humour noir. Le titre du film, parfaitement choisi comme on le comprend à la toute fin, résume bien cette croisée des chemins et des temps. 

Film produit en 2020 et disponible en DVD et en VOD aux éditions Outplay