FICTIONS LGBT
LA NUIT TOUS LES CHATS SONT GRIS de Valentin Merz : un tournage qui dérape
La nuit tous les chats sont gris (De noche Los Gatos son pardos en VO) est le premier long-métrage du réalisateur suisse Valentin Merz. Interdit aux moins de 16 ans, ce film foutraque nous balade entre un tournage de film et une enquête, entre réalité et rêves. Avec plus ou moins de brio.
Le film s’ouvre sur un tournage de film à la campagne. Au beau milieu d’une forêt, une bande de comédien.ne.s font confiance à leur réalisateur, Valentin, qui n’a pas vraiment l’air de savoir où il va. Il semblerait que ce projet artistique soit une sorte d’oeuvre libertine. Les artistes libres (et en roue libre) sont invités à « se sentir », se livrer à des jeux kinky. Ils expérimentent, se mettent en danger, sont parfois à la lisière de l’excès, de la folie, d’une certaine bestialité.
Alors que les corps jouent et s’entremêlent, les choses basculent quand subitement le réalisateur du film disparait. La gendarmerie locale débarque pour entamer une enquête. Le réalisateur est-il mort ? Que va-t-il advenir du tournage ?
Si le début du métrage est séduisant par sa liberté des corps, sa folie douce, sa façon franche et troublante de filmer la sexualité (avec une belle diversité), son amour palpable du cinéma… malheureusement Tous les chats sont gris opère une sorte de fracture narrative lorsque le personnage du réalisateur disparait. Le film commence dès lors à partir dans tous les sens pour le meilleur et pour le pire, faisant le choix d’une radicalité et d’une abstraction à double tranchant. Ce long-métrage s’adresse à l’évidence à une niche de cinéphiles adeptes d’expérimentations et n’ayant pas peur du bordel narratif et de petits tics de jeunes réals arty.
Valentin Merz revendique un amour du cinéma de genre, des chansons kitsch rétros / discos branchouilles, de la magie, de l’évasion, du conte fantastique. Mais il n’arrive pas toujours à ancrer le spectateur dans son univers sinueux, à rendre son travail lisible, et risque fort de perdre beaucoup de monde en cours de route. Involontairement sans doute, l’ensemble finit par sentir par moments la posture, s’apparentant à un entre soi d’artistes qui s’amusent entre eux mais qui semblent avoir oublié que ce « film dans le film » allait finir par être vu par des gens, des vrais, et qu’il fallait peut-être un peu penser à eux.
Tout n’est évidemment pas à jeter dans ce premier essai au demeurant assez sympathique (les passages loufouques d’enquête avec le beau, magnétique et rieur Jean-Charles de Quillacq fonctionnent bien). Mais l’aspect fourre tout et parfois trop artificiellement alambiqué a tendance à avoir raison de notre patience, surtout en fin de course.
Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris 2022