FICTIONS LGBT
I LOVE YOU MORE de Erblin Nushi : premier amour d’un minet gay dépressif
Avec son premier long-métrage I LOVE YOU MORE, le réalisateur Erblin Nushi signe l’une des rares oeuvres à thématique gay en provenance du Kosovo. L’histoire, nimbée d’une certaine mélancolie et douleur, d’une première rencontre amoureuse.
Un joli village du Kosovo. Ben (Don Shala) correspond maintenant depuis un moment en secret sur Internet et par messages avec Leo (Leonik Sahiti). Une relation complètement virtuelle dans laquelle se jette l’adolescent qui sent là qu’il est en train de vivre son premier grand amour. Leo vit en Allemagne et a prévu de venir quelques semaines plus tard rendre visite à Ben, leur permettant d’enfin se rencontrer et vivre « pour de vrai » leur histoire. C’est peu dire que Ben, qui n’a pas grand chose à faire dans son trou paumé et qui est légèrement obsessionnel et dépressif sur les bords, compte les jours et ne vit plus que pour cet instant.
Mais voilà que sa mère lui annonce « une grande nouvelle » : elle a été tirée au sort et va pouvoir partir travailler aux Etats-Unis. Elle compte évidemment amener avec elle son mari et son fils… mais la date de départ tombe avant celle de la visite prévue de Léo. Sans vouloir expliquer pourquoi, Ben insiste lourdement pour retarder ce déménagement. Face au refus ferme de sa mère, il va finir par lui confier la raison de sa demande. Et découvrir qu’hélas ses parents ne sont pas à l’aise avec la nouvelle de son homosexualité…
Le film commence par un clin d’oeil au film Call me by your name. Et il y a en effet dans la mise en scène du réalisateur Erblin Nushi une façon de capturer l’amour adolescent, l’attente, l’embrasement lié à un premier amour qui peut faire songer au film déjà devenu culte de Luca Guadagnino. On ne peut également que saluer la très jolie photographie qui fait notamment la part belle aux décors locaux (le travail sur la lumière et les couleurs est assez remarquable). S’il y a définitivement ici un talent de cinéaste évident, formellement parlant, I love you more va malheureusement pêcher à d’autres niveaux.
En choisissant de mettre en personnage principal un adolescent qui est une caricature absolue de « minet gay passif dépressif et nombriliste », le réalisateur a assurément pris un certain risque. Deux options s’offrent aux différents spectateurs : embrasser le regard et s’identifier au personnage de Ben (et il y en aura, assurément !) ou bien progressivement le trouver de plus en plus fatigant, voire franchement exaspérant. Ici, on va être honnête, on a eu envie de le secouer (notamment dans la dernière partie du métrage où il devient à la limite de l’insupportable). Le jeu monolithique et volontairement mou et lent de l’acteur Don Shala n’arrange clairement pas les choses. On a juste envie de dire au jeune Leo « Mais qu’es-tu allé faire dans cette galère ? Fuis, cours, vite ! »
Si ici l’aspect premier amour n’a pour le coup pas fonctionné en raison d’un manque progressif d’empathie pour le personnage principal, on a toutefois pu succomber à toutes les scènes traitant du lien de celui-ci avec sa mère (qui est au final le vrai beau sujet du film – pas assez exploité hélas, celui d’une mère qui a du mal à accepter son fils tel qu’il est dans un premier temps mais qui va évoluer au fil du métrage). Si pour ce coup-ci on reste un peu de marbre, la curiosité reste de mise car l’esthétique du cinéma d’Erblin Nushi reste intrigante et prometteuse pour un premier long.
Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris