FICTIONS LGBT
OUT de Dennis Alink : groupes et difficultés
Premier long-métrage de fiction du réalisateur Dennis Alink, OUT est un drôle de film qui amène au genre du « coming out movie » un regard singulier tout en auscultant de façon acérée ce que certains appellent « le milieu gay ».
Pays-Bas. Tom (Bas Keizer), tout juste majeur, rêve de devenir réalisateur. Il est inséparable avec son ami Ajani (Jefferson Yaw Frempong-Manson). Ils vivent ensemble dans le secret un premier amour. Ajani vient de faire son coming out gay. Tom, qui se sent bisexuel, préfère ne pas en parler autour de lui.
La chance semble tourner pour Tom qui est sélectionné pour intégrer une très prestigieuse école de cinéma à Amsterdam. Il part s’y installer avec Ajani. Une fois sur place, les deux garçons découvrent l’effervescence de la vie en ville. Ajani se lie rapidement à un nouveau groupe d’amis gays. Pour la première fois, lui et Tom peuvent vivre leur relation au grand jour. Mais ce qui aurait pu constituer une accumulation de nouvelles expériences heureuses va progressivement prendre un tournant nettement moins réjouissant pour Tom.
Solitaire, secret, discret et un peu dans son monde, Tom a du mal à suivre le rythme de cette nouvelle vie à 200 à l’heure et à trouver sa place. Alors qu’Ajani devient de plus en plus extraverti et que les amis de celui-ci prennent de plus en plus de place, Tom a l’air dépassé. Les choses ne se passent pas mieux, loin de là, à l’école de cinéma qu’il a intégré et où il a du mal à se lier aux autres élèves…
Avec ce long-métrage filmé dans un joli noir et blanc, le réalisateur Dennis Alink instaure un rythme et un style singuliers. Le premier sujet de sa fiction est la relation entre Tom et Ajani qui vont en quelque sorte perdre l’innocence de leur relation en débarquant en ville. Très attiré par la scène gay de la ville, Ajani va vouloir s’éclater à fond tandis que son amoureux va avoir du mal à trouver ses marques.
Alors qu’on imaginait un film classique sur le coming out et le premier amour, le cinéaste délivre une étonnante et très juste réflexion sur les mécaniques de groupe. Le milieu gay en prend pour son grade alors que la nouvelle bande d’Ajani se révèle bien moins inclusive, ouverte et safe qu’elle ne prétend l’être. Tom, un poil coincé et « hétéronormé », va avoir de plus en plus de mal à s’intégrer. Parfois la singularité peut jouer contre vous : on peut vous trouver ennuyeux, profiter de vous ou bien vous reprocher de ne pas faire d’effort pour vous intégrer. C’est ce qui va arriver à Tom aussi bien dans sa vie personnelle que dans le cadre de ses études. Mine de rien, c’est un sujet qui n’a pas été si fréquemment abordé sur grand écran : cette sensation d’être condamné pour son côté solitaire, la solitude de ceux qui n’arrivent pas à s’insérer dans les conversations ou à émerger au sein d’une bande, devenant subitement menacé d’être mis sur le côté.
Très réaliste et sensible, s’appuyant sur un rythme un peu étrange mais assez envoûtant, franchement troublant par moments (la scène au subversif club Church d’Amsterdam), OUT est une belle surprise qui signe les débuts prometteurs d’un réalisateur qui a une vision et des choses à dire.
Film produit en 2024 et présenté au Festival Chéries Chéris 2024