FICTIONS LGBT
A SINGLE MAN de Tom Ford : éloge de la beauté masculine
Los Angeles, 1962. George (Colin Firth), professeur d’université britannique, doit faire face à un terrible drame : son compagnon Jim (Matthew Goode) a trouvé la mort dans un accident de voiture. Après seize années de bonheur passées ensemble, George redevient un homme célibataire, foudroyé par le chagrin et la solitude. Son amie Charlotte (Julianne Moore, parfaite en fille à pédés, glamour et désillusionnée) a beau être là pour lui, il ne voit plus la vie qu’en noir. C’est décidé : il va se suicider. Il organise soigneusement sa dernière journée : il écrit des lettres, dit à sa bonne qu’elle est merveilleuse, range son bureau, achète des balles pour son flingue, va donner son dernier cours à l’université et compte voir sa meilleure amie Charlotte le soir. Mais le hasard va un peu bousculer ses plans et à l’infinie tristesse qui l’habite vont s’opposer des rencontres de hasards, des instants rares…
On n’aurait pas su que Tom Ford était couturier qu’on l’aurait deviné en voyant ce film. A single man est un des films les plus élégants et les plus soignés de la décennie 2010. Photographie léchée à l’extrême, mise en scène sensuelle et qui abuse des ralentis, garde robe à se damner : le réalisateur apporte un soin tout particulier à chacun de ses plans, semble en constante recherche de beauté. Le résultat est bluffant, nous donne la sensation de déambuler dans un étrange rêve où à tous les coins de rue un beau mec , tout droit sorti d’une couverture de Vogue, pourrait nous demander une cigarette. Défunt compagnon aux allures de gendre idéal, jeune étudiant minet supra méché et imberbe, latino bad boy : le moins qu’on puisse dire, c’est que George plait à de très beaux garçons. Tom Ford les filme avec envie, sans complexes. Et on a ainsi l’impression d’assister à l’éloge de la beauté masculine. Même Colin Firth a le torse imberbe, ferme, saillant : rien, non rien de rien n’est laissé au hasard.
Alors oui, tout est magnifique au point que ça en devient complètement irréel. Et Tom Ford ne craint pas de tomber dans le piège de la pose, il s’y engouffre avec jubilation ! Cela pourra donner un côté artificiel voire superficiel au projet. Des premiers aux seconds rôles, tout le monde semble sorti d’un défilé de mode et évolue dans des décors de rêve. A single man pourra alors agacer certains , pouvant apparaitre comme snob ou prétentieux (tout est extrêmement premier degré et la bande-originale sophistiquée mais très appuyée vient enfoncer le clou). En tout cas, force est de constater que pour un premier long, le cinéaste témoignait déjà d’une maitrise tout bonnement hallucinante. Et quand on gratte un peu le très épais vernis, on trouve bel et bien des émotions, une sensibilité, un regard.
George a beau vivre dans un monde de toute beauté, de perfection, il a perdu celui qu’il aimait et ne s’en remet pas. Tout le film est un cheminement vers la mort, on baigne dans une ambiance singulière, où tout est sensuel, où tout tourne au ralenti, où des détails anodins deviennent subitement des apparitions qui pourraient bien être les dernières images d’une vie. C’est un voyage cinématographique très plaisant qui nous est proposé, malgré la beauté un peu glacée de l’ensemble.
Film sorti en 2010 et disponible en VOD