CINEMA
A TEACHER de Hannah Fidell : dangereuse liaison prof-élève
Austin, Texas. Diana (Lindsay Burdge), la trentaine, vit en colocation avec une amie et travaille comme professeur dans un lycée. Depuis quelques temps, elle entretient une liaison très charnelle avec l’un de ses élèves, le jeune et aguicheur Eric (Will Brittain). Leurs rendez-vous secrets sont l’occasion pour eux de prendre du bon temps, de s’amuser, tout en jouissant du goût d’interdit qui va avec la nature de leur lien.
Mais alors que la liaison s’inscrit dans le temps, ils finissent par ne plus tout à fait regarder dans la même direction. Ce qui pour Eric semble n’être que quelque chose de fun et d’excitant devient pour Diana quelque chose de plus trouble. De plus en plus angoissée à l’idée que leur histoire soit découverte, elle gâche un peu la fête. Puis, sentant qu’Eric se détache peu à peu, elle se met à développer vis à vis de lui une dangereuse obsession…
Encore inédit en France à l’heure de l’écriture de ces lignes, A teacher a connu un accueil partagé de la part des critiques américaines. Ce film indépendant de Hannah Fidell en a en effet déconcerté plus d’un de par le fait qu’il refuse toute explication psychologisante et laisse le spectateur face à la liaison prof-élève de façon brute. Ainsi, on ne suit pas pas le commencement de la relation entre Diana et Eric. Le début du film nous présente la jeune prof comme quelqu’un d’assez banal, un brin solitaire, fuyant à l’évidence sa famille pour des raisons qui ne seront jamais explicitement dévoilées. Sa liaison avec Eric est introduite comme une partie parmi d’autres des éléments structurant son quotidien. Au départ, malgré l’interdit, leur relation apparaît comme assez fun, stimulante dans les deux sens sexuellement parlant. Diana profite d’un amant jeune et vigoureux, constamment excité et disponible quand elle a besoin de lui. Eric goûte de façon précoce aux charmes d’une femme plus expérimentée, pas coincée, et jouit sans aucun doute du fait de concrétiser ce vieux fantasme de coucher avec une prof sexy. C’est un fait : tout le monde a un jour fantasmé sur un ou une de ses profs de lycée. Attrait de la maturité, fantasme un poil subversif car ce type de rapport est interdit, tabou.
Ce que sous-entend au fil du film la réalisatrice c’est que le fait que Diana entretienne une relation qui aux yeux de beaucoup apparaîtrait comme malsaine, n’est pas tout à fait le fruit du hasard. Nous découvrons petit à petit une femme émotionnellement instable, borderline, qui passe son temps à fuir quelque chose. Son passé ? Elle-même ? On ne saura jamais vraiment. La caméra insiste alors, un peu trop lourdement, sur des scènes de jogging matinal, pour matérialiser ce désordre qui plane. Raisonnable et séductrice dans un premier temps, Diana finit par se laisser dévorer par son désir et ses sentiments pour Eric. Leur histoire est essentiellement basée sur le sexe : ils n’ont pas grand chose à se dire et quand Diana essaie de créer davantage d’intimité, Eric semble n’écouter que d’une oreille. Ce dernier apparaît comme un jeune angelot coquin et doucement pervers, qui tient de plus en plus les rênes. C’est lui qui mène la danse au lit, sensuel en diable, jamais impressionné par sa partenaire, bien au contraire. Au fil des ébats, il se fait de plus en plus macho, dominateur. Diana se retrouve alors à se déshabiller devant lui sous ses ordres, à lui faire une gâterie pendant qu’il conduit sa voiture… La jeune prof est tiraillée entre son envie de s’abandonner complètement à son jeune amant et le poids des responsabilités, sa conscience qui la renvoie à une certaine culpabilité.
Les choses basculent quand lors d’un week end « en amoureux », Diana est sujet à une crise de parano. La prof sexy montre un visage moins attrayant, plus sombre, et cela n’amuse pas trop Eric qui n’est pas du genre à se compliquer l’existence. Alors que le joli petit brun populaire du lycée s’éloigne d’elle, sort de sa vie, Diana finit par ressentir un vide qui la détruit. Sans s’en apercevoir, elle a développé vis à vis de son partenaire secret une véritable obsession qui va progressivement la couper du réel et la faire sombrer…
Le film peut compter sur un duo d’acteur fiévreux. Lindsay Burdge campe avec toute la nuance nécessaire un personnage à la fois attachant et de plus en plus borderline tandis que Will Brittain est parfait dans le rôle du lycéen charnel et légèrement cruel. La mise en scène, élégante et se plaisant à jouer avec les artifices, tient à faire ressentir physiquement au spectateur l’étourdissement puis le malaise qui gagnent son héroïne. Ca marche très bien souvent, parfois un peu moins (l’abus de ralentis finit par alourdir un peu l’ensemble). Le montage est volontairement haché, dévoilant des bribes de vie, des événements qui s’enchaînent de façon excitante puis destructrice. S’il est parfois maladroit, A teacher emporte par son portrait de femme instable et son traitement inattendu d’une liaison prof-élève. Hannah Fidell n’a pas peur de lorgner vers les recoins les plus sombres de l’âme, ceux qui dérangent, et réussit à plus d’une reprise à créer une grande tension. Troublant.
Film produit en 2013 et disponible en Import DVD