CINEMA
AMANDA de Mikhaël Hers : rester vivant
Mikhaël Hers nous avait déjà bouleversé avec « Ce sentiment de l’été », merveilleux récit pop et mélancolique d’un jeune homme affrontant le deuil de sa petite amie. Et ça recommence avec Amanda qui est, disons-le d’office, le plus beau film français de cette année 2018. Une oeuvre dont on ressort en larmes, hanté, secoué et en même temps pris d’une soif de vivre et d’aimer comme jamais.
Tout commence, comme toujours chez ce réalisateur, par une infinie douceur. A Paris, David (Vincent Lacoste), 24 ans, vit en accumulant les petits boulots. Il passe une grande partie de son temps libre avec sa soeur, Sandrine (Ophelia Kolb), dont il est très proche. Cette dernière élève seule une petite fille, Amanda (Isaure Multrier). Les plaisirs simples de la vie, des balades ensoleillées dans la capitale, les hauts et les bas du quotidien…
Accueillant pour le propriétaire de plusieurs appartements des touristes et résidents, David rencontre Léna (Stacy Martin), une jolie jeune femme avec laquelle un début de relation semble possible. Léna, qui est musicienne, accepte de donner des cours de piano à la petite Amanda. Le climat est à une relative insouciance quand subitement un drame survient, venant faire basculer définitivement l’existence de tous ces personnages.
On retrouve ici tout ce qui nous avait plu dans « Ce sentiment de l’été ». Des comédiens magnifiquement dirigés. Une écriture simple qui dessine par petites touches, par des gestes du quotidien, des protagonistes instantanément attachants. Une musique pop qui prend aux tripes. Une mise en scène impressionniste, colorée, qui est un régal pour les yeux. Une façon de donner vie aux lieux et à la ville (Paris est ici à la fois magnifique et sublimée, sa beauté envoûtante finit par en devenir déchirante). Une façon très singulière d’aborder la perte, le deuil, avec une pudeur et une sensibilité qui emportent tout sur leur passage.
Dans les premières scènes du film, le personnage de Sandrine explique à sa petite fille l’expression « Elvis has left the building ». Ou quand tout est fini, que c’est foutu. Il y a des événements dans la vie qui nous mettent à terre, qui nous paralysent, nous donnent l’impression qu’on ne pourra plus jamais vivre. Quand le chaos survient, la mort, impitoyable et invisible, on se sent logiquement démuni. Mais alors qu’on pense que tout peut être définitivement perdu, qu’on aura plus la force de rien, une personne peut vous aider à rester vivant. Plus rien ne sera pareil mais un renouveau s’esquisse. On oublie pas les morts mais on peut les laisser nous accompagner pour affronter la vie avec force, pour eux, pour ce qu’ils nous ont laissé pour ce qu’ils n’ont pas eu le temps de vivre quand ils sont partis trop tôt.
Il y a dans ce film tellement d’amour, d’humanité, de vie, de beauté ! En plus du thème du deuil et d’un drame collectif tristement universel, Mikhaël Hers montre la grâce d’une paternité inattendue, ce sentiment soudain et évident, d’avoir envie de s’occuper de quelqu’un, de se sentir responsable, et en même temps de le laisser s’occuper de nous aussi. Grand moment de cinéma.
Film sorti le 21 novembre 2018