FICTIONS LGBT
AMOUR FATAL (We will never die) de Tor Iben : bad boy en cavale
Tor Iben navigue entre thriller et romance avec Amour Fatal (« We will never die » pour le titre international) pour lequel il retrouve l’acteur sexy Sascha Weingarten qu’il avait déjà dirigé dans Nuit de rêve (Orpheus’ Song). Avec un tout petit budget, cette mini-série gay emporte l’adhésion par son charme singulier.
Un été, sur une île grecque. Luca (Jacopo Garfagnoli) est en vacances dans un bel hôtel et remarque l’un des clients, un beau brun au look de bad boy, Phillip (Sascha Weingarten). Il se met à le suivre discrètement et assiste malgré lui à une scène qu’il n’aurait pas dû voir. Phillip n’est pas là pour se la couler douce, c’est un dealer qui traite avec des gens dangereux. Lors d’un échange houleux, les choses dégénèrent. Luca vient en aide à Phillip sans lui dire qu’il a vu ce qu’il s’était passé mais ce dernier se doute rapidement qu’il a été témoin de cet incident. Le bad boy, sous pression de la mafia, va user de son charme pour l’attirer dans ses filets et s’assurer qu’il ne dise rien. Mais quand on lui demande de se débarrasser définitivement de Phillip, aussi nihiliste puisse-t-il être, le malfrat a du mal à appuyer sur la gâchette. Il laisse Luca s’échapper en lui demandant de disparaitre. Mais Luca n’est pas assez discret et Phillip devient à son tour la cible des mafieux qui ne supportent pas sa trahison et souhaitent l’éliminer.
Commence alors un film d’errance. Phillip est en cavale, il va devoir se cacher et avancer au jour le jour en attendant de trouver une solution et de pouvoir se faire oublier. Il rentre en Allemagne. Bisexuel, il essaie d’aller se réfugier chez l’une de ses amantes mais celle-ci est lassée de ses allers-retours et refuse de l’accueillir. Phillip va alors louer une chambre discrète dans un petit hôtel. C’est là qu’il fait la connaissance de Deniz (Talha Akdeniz), l’homme à tout faire de l’hôtel qui semble instantanément sous son charme. Rapidement ils se tournent autour et comprenant qu’une ouverture est possible Deniz décide d’inviter Phillip à diner. Mais voilà qu’après une nuit de tendresse, Phillip reprend la route : il ne peut pas se permettre de se poser alors que des gens dangereux sont à ses trousses.
Malgré le cours des choses, la distance, le danger, les chemins de Phillip et Deniz vont être amenés à se recroiser. Une histoire d’amour serait-elle possible avec ce délinquant tourmenté dont les jours peuvent être comptés, auréolé d’une menace permanente ?
Discrètement mais surement, le réalisateur allemand Tor Iben s’est construit une filmographie intéressante tout en restant toujours dans une forme de marge, un cinéma ultra indépendant. Sorte de cousin germain de Todd Verow, le cinéaste a la même faculté et passion que ce dernier pour monter des projets et les mener à terme même quand le budget fait défaut. Il y a dans ses films à la fois une sorte de bizarrerie, une force noire, mêlées à un homo érotisme souvent troublant. On peut vous conseiller ses précédents films, Cibrâil, The Passenger, L’année du Tigre ou encore Nuit de rêve qui dans des genres différents (drame, thriller, fantastique) parviennent toujours à faire de leurs maladresses et imperfections des forces, générant un certain charme.
C’est une fois encore le cas ici. Amour Fatal est une mini-série très indépendante, on sent le tournage sauvage, l’absence de moyens. Plusieurs scènes ont des problèmes de son et ont été doublées en post-production. Cela pourrait être un problème mais au final on s’en accommode très bien et cela fait partie du charme authentique du projet.
Il y a plusieurs raisons qui font que tout cela tient la route : une écriture non dénuée de souffle et intimiste, une mise en scène pleine de débrouillardise qui ne manque pas de petites idées, le charme des acteurs (joliment érotisés mais aussi bons dans leur faculté à composer des personnages attachants)… Mais surtout ici ce qui séduit c’est la capacité de Tor Iben et de son équipe à nous faire vivre cette cavale (qui devient de plus en plus sentimentale) avec un aspect très réaliste. Être poursuivi par des mafieux qui veulent votre mort c’est à priori vraiment un sujet de fiction. Mais ici le filmage hyper réaliste, qui se focalise sur le « jour le jour », le quotidien, amène un vrai plus, quelque chose de plus immersif, à part.
A travers ce thriller intimiste, Tor Iben explore la figure du bad boy. Phillip apparait dans un premier temps comme un mec dur, manipulateur, lâche, qui prend ce qu’il a à prendre et disparait quitte à briser les trajectoires et les coeurs de ceux qui s’attachent à lui. Les choses vont progressivement évoluer au contact de l’adorable Deniz (un beau jeune mec ourson super mignon au coeur pur qu’on a envie d’étreindre en permanence). Une romance inattendue se tisse alors que le danger et la mort rodent. Et l’insondable et égoïste bad boy va doucement baisser la garde.
Les scènes d’amour et d’intimité sont très belles, naturelles. Tor Iben capte des petits instants de vie qui font vraiment mouche et qui contribuent à rendre Amour Fatal sympathique. Le titre français laisse toutefois deviner que la partie est loin d’être gagnée…
L’ensemble est séduisant de par sa fragilité, divertissant et constamment intrigant. On a cette sensation que tout peut arriver, qu’on ne peut pas prévoir ce qui va se passer, comme si nous aussi on était en cavale et contraint d’avancer sans savoir de quoi le lendemain sera fait.
Mini-série produite en 2023 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen