FICTIONS LGBT
ARRÊTE AVEC TES MENSONGES de Olivier Peyon : fantôme du passé
Olivier Peyon adapte l’oeuvre de l’écrivain Philippe Besson avec Arrête avec tes mensonges, un film populaire, attachant et (très) émouvant.
Stéphane Belcourt (Guillaume De Tonquédec), écrivain à succès, retourne dans sa petite bourgade natale, invité pour fêter le bicentenaire d’une célèbre marque de cognac. Il a écrit pour l’occasion une série de nouvelles « de commande ». À l’évidence, ce retour dans la ville où il a grandi ne l’enchante pas plus que ça. Il fait partie de ces provinciaux gays qui ne se sentaient pas franchement à leur place, rêvant plutôt de faire carrière et de s’émanciper dans la capitale. Pourquoi donc a-t-il accepté de revenir ?
Chaleureusement accueilli sur place par l’une des organisatrices, Gaëlle (Guilaine Londez), l’écrivain apparait un poil blasé. On apprend au détour d’une conversation avec son éditrice qu’il a un peu du mal à se remettre à l’écriture d’un nouveau roman, lui qui pourtant d’habitude sort quasiment une oeuvre par an. Stéphane espérait-il retrouver l’inspiration en revenant aux sources ? (plusieurs de ses oeuvres précédentes étaient inspirées par ses jeunes années troublées dans cette petite ville)
Quand il croise le regard du jeune et beau Lucas (Victor Belmondo), l’auteur a du mal à cacher son trouble. Ce garçon lui rappelle quelqu’un et pas n’importe qui : Thomas (Julien De Saint-Jean), son tout premier amour connu à l’adolescence. Il se trouve que Lucas n’est autre que le fils de Thomas. Cette rencontre inattendue va replonger Stéphane dans cette romance qu’il n’a jamais vraiment réussi à oublier. En échangeant avec Lucas, il va découvrir des choses insoupçonnées, parfois terribles, parfois bouleversantes, sur son amour de jeunesse…
Dans un premier temps portrait assez amusant d’un écrivain citadin un peu blasé de revenir sur sa terre natale pour un moment de mondanité pas très exaltant, Arrête avec tes mensonges s’envole dès qu’il se met à nous raconter l’histoire d’amour adolescente entre les jeunes Stéphane (Jérémy Gillet) et Thomas. Dans les années 1980, ces deux garçons opposés se sont rapprochés. D’abord de façon brusque : Thomas, bogosse du lycée jouant les rebelles et courtisé par les filles, a subitement un jour proposé au taciturne et précieux Stéphane de le retrouver dans un endroit discret pour finir par lui demander s’il aimait les mecs et coucher avec lui. Le genre de mauvais plan avec un mec pseudo hétéro dans le placard qu’il vaut mieux fuir. Mais Thomas était si beau, Stéphane ne pouvait résister…
Le film alterne les passages dans le présent et la connection qui se forme entre Stéphane et Lucas, le fils de Thomas, et ceux dans les eighties. L’ensemble s’accorde parfaitement. D’un côté on sent la nostalgie, la mélancolie, le poids des souvenirs, d’une romance inachevée, et de l’autre une romance adolescente contrariée mais addictive. Sur fond de chansons du groupe Téléphone, Thomas et Stéphane avaient fini par se rapprocher, devenant bien plus que des amants. Mais si pour Stéphane, aspirant écrivain promis à quitter sa petite ville, cette romance était une évidence, pour Thomas, désireux de rester dans les environs et dans sa ferme familiale, très soucieux du regard des autres, il en était tout autrement…
Il ne faut pas trop en dévoiler pour ne pas gâcher les rebondissements qui ponctuent ce long-métrage diablement efficace mais ce que l’on peut dire c’est que l’ensemble ne manque pas d’emballer. Si la forme est un peu classique (mais pas dénuée d’élégance pour autant et certainement pas de souffle non plus), tout le reste est absolument parfait. La troupe de comédien.ne.s ici réuni.e.s est formidable. Arrête avec tes mensonges est un film très généreux dans ses émotions, sensible, parfois doux, parfois douloureux, toujours plein d’humanité. L’écriture et les personnages font mouche, c’est universel, on est complètement emporté par l’histoire d’amour entre Stéphane et Thomas (très belle alchimie entre les comédiens Jérémy Gillet et Julien De Saint-Jean). On a vraiment l’impression de retrouver, de revivre soi-même son premier amour avec tout ce que cela peut avoir de beau, de magique, de galvanisant mais aussi possiblement de destructeur, déchirant. C’est une de ces romances qui vous hantent, à l’instar du personnage principal qui si l’on peut dire a bien du mal à tourner la page, même des dizaines d’années après.
Le face à face entre Guillaume De Tonquédec et Victor Belmondo (qui explose complètement ici) réserve des passages magnifiques. Poids des secrets, des non dits, des incompréhensions : on assiste à la rencontre riche en émotions entre un ancien amoureux toujours à vif et un fils désespérément en quête de réponses, tous deux hantés par le même homme qu’ils ont aimé et qui ont fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui.
Cette oeuvre à coeur ouvert, taillée pour plaire au grand public, véhicule de très beaux messages à travers une histoire certes dramatique mais aussi parcourue par une belle lumière, des moments de vie, d’échange, de tendresse. On en ressort avec les larmes aux yeux. Un très beau film français à thématique gay (et ils ne sont pas si nombreux).
Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris 2022 / Sorti en salles le 22 février 2023