CINEMA
BEGINNERS de Mike Mills : oser recommencer
Ewan McGregor, Mélanie Laurent et Christopher Plummer : un beau trio d’acteurs pour ce Beginners du réalisateur Mike Mills. Un film artificiel certes mais attachant et généreux
Oliver (Ewan McGregor) illustre des T-shirts et des pochettes de disques avec ses créations, un tantinet mélancoliques. Récemment, il a dû faire face à la mort de son père. Un père qu’il n’a vraiment connu que sur le tard et qui à 75 ans a eu la force de faire son coming out, trouvant ainsi un amoureux et une communauté.
Face au poids et aux injustices du temps, au cœur d’une génération qui peine à choisir sa cause, Oliver avance, le regard triste, accompagné du chien de son défunt paternel, qu’il imagine doté de la faculté de parler. Son quotidien morose bascule alors qu’à une soirée Oliver croise le chemin d’Anna (Mélanie Laurent), une française tentant de devenir actrice à Los Angeles. Elle aussi est vulnérable et paumée et va trouver auprès de l’illustrateur un compagnon d’infortune idéal. Mais pourront-ils s’aimer sans s’auto-détruire ?
Beginners pourra rebuter certains spectateurs de par ses tics typiques de productions indés américaines. L’œuvre de Mike Mills peut en effet paraître parfois clichée à force de chercher à vouloir être originale, d’insérer des diapos photos, d’être cool et mélancolique à la fois. Beaucoup d’artifices dont le cinéaste aurait pu se passer, qui fonctionnent une fois sur deux, provoquant tout de même ,parfois, une vive émotion. Film pop donc, avec ce que cela comporte de poésie bricolée, Beginners narre l’histoire d’un garçon perdu, légèrement traumatisé par la disparition de son père.
Le long-métrage fonctionne en deux temps. D’un côté, nous avons le récit des derniers jours du père, Hal (interprété par Christopher Plummer). La maladie, l’hôpital, le refus de se laisser abattre, le besoin de continuer de rattraper tout ce temps perdu durant une existence qui s’est majoritairement déroulée « dans le placard ». Un père fantasque, un père enfant, qui a jadis brillé par son absence et qui a fini par prendre tout l’espace, ne voyant pas forcément la tristesse, l’égarement de son fils.
De l’autre côté, il y a la rencontre puis la relation entre Oliver et Anna. D’abord mystérieuse et pétillante, la jeune femme dévoile une relation au père compliquée (le genre de père qui l’appelle pour lui dire qu’il a envie de se suicider) et une certaine bougeotte (elle passe son temps à voyager et changer d’hôtel). Oliver et Anna forment deux solitudes qui vont tenter de former un couple. Et forcément, ce ne sera pas évident.
Entre la petite histoire triste d’Oliver et l’Histoire en général : des injustices, des regrets, de la nostalgie, des souvenirs. Des gens, des icônes, des proches que l’on n’a pas vraiment connu comme on l’aurait voulu. On trouve ici de nombreux plans de couloirs pour traduire le difficile état de passage des protagonistes. Entre le passé et le présent, entre deux convictions, deux envies contradictoires…Rongés par les doutes, la peur d’un échec qui se répète, Oliver et Anna vont essayer de redevenir des « Beginners ». Le courage de reprendre ou de recommencer à zéro, d’arrêter de se dire qu’on n’est pas fait pour ci ou pour ça. Oser. Lutter.
Le film marche beaucoup grâce au duo Ewan McGregor / Mélanie Laurent, qui se fondent parfaitement au coeur d’un climat étrange, entre spleen et amusement. Et la petite musique de cette comédie romantique dépressive finit bien par entêter.
Film sorti en 2011 et disponible en VOD