FICTIONS LGBT
BENJAMIN de Simon Astell : (ré)apprendre à aimer
Avec Benjamin, le réalisateur anglais Simon Astell raconte entre sensibilité et drôlerie les difficultés relationnelles d’une bande d’artistes. Terriblement attachant.
Benjamin (Colin Morgan) est un jeune réalisateur anglais qui a connu un joli succès avec son premier long-métrage. Il a mis 8 ans à réaliser le second et à l’aube de sa présentation, il angoisse complètement. C’est que si ce film a été si difficile à faire, c’est parce que le jeune artiste traverse depuis un petit moment une crise existentielle, se posant tout un tas de questions pour fuir la vérité simple qu’il n’arrive pas à véritablement à aimer. Pour surmonter son mal de vivre, il médite devant des vidéos Youtube de moines.
Juste avant la présentation de sa nouvelle oeuvre, Benjamin se rend avec son meilleur ami aspirant humoriste Stephen (Joel Fry) à une soirée pour le lancement d’une chaise à laquelle l’a convié son attachée de presse légèrement excessive, Billie (Jessica Raine). Cette dernière sort avec Harry (très sexy Jack Rowan), le comédien principal du film de Benjamin. Lors de cette soirée, le jeune réalisateur a une sorte de coup de foudre pour un chanteur qui se produit avec son groupe : Noah (Phénix Brossard). Mais dans la vie comme dans ses films, Benjamin est ultra maladroit et ne sait pas comment se rapprocher de lui.
Touché par ce drôle de garçon qui a clairement quelques difficultés à se mélanger aux autres, Noah se laisse séduire. La possible relation qui se joue entre les deux garçons va être chamboulée par une série d’événements et de questionnements.
C’est un film complètement craquant que nous propose ici Simon Astell. On aime instantanément le personnage de Benjamin, artiste névrosé, socialement inadapté, amoureux maladroit. Parce que son interprète Colin Morgan déborde de charme mais aussi et surtout pour une rafale de répliques drolatiques et de situations qui le sont tout autant. L’écriture de ce long-métrage intimiste et ravissant est un régal de chaque instant. Chaque personnage est croqué avec humour et tendresse et réserve son lot de scènes réjouissantes. Simon Astell aime les artistes, leur fragilité, leur folie et cela se ressent à chaque scène.
Benjamin est d’abord le portrait entre humour et névroses de jeunes artistes qui doutent et qui sont souvent dépassés par leurs émotions. Si on retient un humour fin qui nous fait sourire pendant la majorité du film, il y a aussi ici quelque chose de beau, d’émouvant chez des personnages plus à vif et rongés par le mal de vivre qu’ils n’en ont l’air. L’angoisse d’un jeune réalisateur de se faire dévorer par les avis critiques et publics et de ne pas pouvoir tourner à nouveau pendant un moment, la solitude d’un jeune humoriste qui joue devant une salle glaciale voire violente, les doutes d’un musicien qui attend en vain qu’un manager décide de le signer et de donner un coup de pouce à sa carrière… Être artiste c’est par définition se remettre constamment en question, s’interroger, embrasser sa fragilité. Et cela renforce forcément la complexité des liens amoureux.
Si la dépression n’est souvent pas loin, elle est traitée avec un ton tragi-comique vraiment délicieux, qui fait constamment mouche. Benjamin sent le vécu et il y a fort à parier que son auteur a mis beaucoup de lui-même dedans. C’est authentique, parfaitement interprété, avec un beau sens de l’autodérision… et les scènes charnelles et romantiques ont tout pour faire fondre même les spectateurs les plus blasés. Cet itinéraire savoureux d’un jeune homme qui va doucement apprendre à aimer et donner est un sans faute.
Film présenté au Festival Chéries Chéris 2019 // Sortie au cinéma le 25 décembre 2019