CINEMA

BLANCANIEVES de Pablo Berger : arène de la vie

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Antonio Villalta a tout pour lui : il est un torero de grande renommée, admiré, et est le mari d’une femme merveilleuse, pleine de vie : Carmen. Mais un jour, tout s’écroule. Antonio est victime d’un taureau dans l’arène et perd sa mobilité, pendant que sa femme meurt en couche. Reste sa petite fille qui vient de naître, que l’on appelle Carmen, en hommage à la défunte. Dévasté, Antonio refuse de voir son enfant et part de la clinique avec une infirmière bien décidée à lui mettre le grappin dessus pour profiter de sa fortune : Encarna. Ils finissent par se marier et Carmen est élevée par sa grand-mère. Malgré un historique familial terrible, la petite fille est pleine de vie et d’espoir et entend bien rencontrer un jour son père. Le sort la frappe une nouvelle fois lorsque sa grand-mère décède à son tour. Carmen est alors confiée à son père et à sa belle-mère. C’est cette dernière qui l’accueille dans son prestigieux domaine. Possessive et manipulatrice, Encarna lui interdit d’approcher la chambre d’Antonio et fait de Carmen son esclave toute personnelle.

Un jour, alors que la belle-mère acariâtre prend du bon temps avec son amant, Carmen pénètre enfin dans la chambre de son géniteur. L’homme réalise ses erreurs et va désormais savourer chaque moment avec sa petite fille. Mais quand Encarna découvre l’existence de leurs rendez-vous secrets, elle s’arrange  pour qu’ils ne se recroisent plus jamais. Si Antonio est condamné, victime d’une épouse sadique, Carmen grandit et devient une ravissante jeune femme.

Un jour, dans la forêt, l’amant de sa belle-mère tente de l’assassiner en la noyant. Elle est sauvée par un homme de petite taille qui l’amène dans sa petite roulotte qu’il partage avec six autres nains, tous toreros. C’est l’occasion pour Carmen, amnésique et rebaptisée « Blancanieves », d’obtenir une seconde chance, de trouver une famille de substitution. Ensemble, la belle et ses sept nains vont aller à la conquête des arènes. Mais alors qu’ils connaissent le succès, Encarna, toujours aussi jalouse, refait surface et compte bien mettre une dernière fois un terme au possible bonheur de Carmen…

blancanieves film

Blancanieves est une adaptation étonnante du conte de Blanche-Neige. En effet, le réalisateur Pablo Berger transpose cette histoire universelle dans le Sud de l’Espagne des années 1920 et reprend les codes du cinéma muet. Panneaux, superbe noir et blanc, musique puissante et ensorcelante : le film tire le meilleur de ses artifices qui nous emportent dans un ailleurs, un univers très affirmé. Et si on retrouve la majorité des éléments bien connus du conte, on a l’agréable sensation d’assister à plus qu’une vague relecture : cette Blanche-Neige là est neuve, ne manque pas de personnalité. Les panneaux sont peu nombreux, les mots ne semblent pas être une priorité : le cinéaste mise tout sur la force des images, la magie des acteurs. Et force est de constater que l’ensemble est magnifique, tour à tour hypnothique, émouvant, drôle, tragique au sens le plus noble du terme.

Pablo Berger nous présente des personnages souvent en décalage avec nos attentes. Il finit par rendre l’infâme belle-mère très drôle, la présentant comme une garce pathétique, prête à tout pour l’argent, d’une méchanceté totale, prête à tuer une enfant innocente juste parce qu’elle la jalouse, abusant d’un mari infirme et le trompant avec un amant qu’elle soumet aussi bien sexuellement que dans le quotidien. On appréciera également le regard porté sur les nains, en particulier l’amoureux de Blanche-Neige, sublimé et bouleversant de candeur et de fragilité. Accessible à tous, flamboyant, ce long-métrage touché par la grâce nous emporte par son atmosphère onirique, son amour de la bizarrerie.

La taureaumachie est à l’évidence une représentation du combat de la vie, de sa violence. Dans cette arène, on peut toujours, face à la bête la plus excitée et énervée, tenter de s’en sortir avec grâce. C’est ce que fait la Blanche-Neige de Blancanieves : alors que tout finit toujours par l’accabler, elle traverse les âges avec la même beauté, la même pureté, au point de rester possiblement belle à jamais dans son cercueil ouvert.

Magnifiquement incarné, plein de souffle et de trouvailles, épatant du point de vue de la mise en scène : Blancanieves est de ces perles inattendues et enthousiasmantes à ne pas rater.

Film sorti en 2013 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3