CINEMA
BLANCHE COMME NEIGE d’Anne Fontaine : conte en roue libre
On ne sait jamais trop à quoi s’attendre en allant voir un film d’Anne Fontaine. Elle s’est essayée à différents genres avec plus ou moins de succès. Ce nouveau projet, Blanche Comme Neige, a de quoi surprendre, reprenant la trame du célèbre conte Blanche Neige pour en faire le récit d’un éveil sexuel au féminin. Lou de Laâge décroche le premier rôle, Isabelle Huppert joue la vilaine belle-mère et un casting de mâles attrayant se prépare à se frotter à cette jeune femme pure (parmi eux nos chouchous Pablo Pauly, Jonathan Cohen ou Damien Bonnard mais aussi Charles Berling, Benoit Poelvoorde ou Vincent Macaigne). C’est un film complètement « what the fuck » qui défile à l’écran mais curieusement attachant.
Claire (Lou de Laâge) est une jeune femme à la beauté éclatante mais qui l’ignore. Elle travaille dans l’hôtel de sa belle-mère Maud (Isabelle Huppert). Le père de Claire est décédé il y a peu et la cohabitation entre Maud et Claire semble bien se passer. Sauf qu’en secret, Maud jalouse cette jeune femme si jeune et si désirable. Découvrant que son amant (Charles Berling) est sur le point de la laisser tomber car il s’est amouraché de Claire, Maud va aller très loin : elle va tenter de mettre fin aux jours de sa belle-fille en organisant un kidnapping !
Claire est enlevée mais alors qu’elle est sur le point d’être exécutée, un inconnu (Damien Bonnard) vole à son secours. Il la recueille chez lui où il vit avec son frère jumeau. Sonnée, Claire va pourtant s’offrir grâce à cet incident un nouveau départ. Loin de la ville, au coeur d’un décor aérien et montagneux, elle va réaliser à quel point elle plait aux hommes des environs et s’adonner au plaisir. Pas moins de 7 hommes vont tourner autour d’elle. Certains sont fascinés, timides, d’autres plus entreprenants, attirés ou amoureux. Claire décide de se laisser aller au plaisir sans contrainte et sans engagement. Mais alors qu’elle s’épanouit, sa belle-mère refait surface…
Ce n’est pas un film pour tout le monde. Blanche Comme Neige est en effet TRÈS particulier. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas : un scénario certes malicieux mais quand même assez risible par moments, des répliques qui tombent à plat, un montage bizarroïde (tous ces plans de routes qui entrecoupent le récit !), une difficulté à emporter le spectateur dans ce projet fantaisiste. Le rythme est inégal et par moments on se dit qu’on est devant un nanar avec un casting et des décors de luxe ou bien un téléfilm pseudo-érotique de prestige. On ne sait jamais si l’on rit avec ou contre ce qui défile à l’écran. L’ensemble en deviendrait pénible si les acteurs et la splendide Lou de Laâge n’irradiaient pas l’écran.
Si la plupart des scènes n’échappent pas au grotesque, cette « Blanche comme Neige » a indéniablement un caractère ludique, ne serait-ce qu’à travers le petit jeu de comparaisons auquel on peut s’adonner en pensant au conte original (les nains ne sont pas des nains et tout tourne ici autour du désir, de la convoitise, d’une soif de propriété). C’est un peu n’importe quoi mais si on prend ça au second degré c’est plutôt sympa. Les scènes érotiques sont assez clichées et finalement pas si nombreuses. Isabelle Huppert est un poil en roue libre, à l’image de tout le film.
Mais, notamment dans sa dernière partie, le projet finit par avoir ce je ne sais quoi d’attachant. Peut-être parce que Lou de Laâge est magnétique, peut-être et surtout aussi parce qu’on apprécie cette relecture qui met en avant une jeune femme sexuellement libre et qui refuse d’appartenir à un homme, qui n’a pas besoin d’un prince charmant pour la réveiller. Ce n’est pas si souvent qu’on voit un personnage féminin explorer avec autant de joie et de liberté une sexualité gourmande. Et ça, ça fait plaisir et ça donne envie de pardonner bien des maladresses à ce long-métrage chelou mais qui réussit par moments son coup comme le temps d’une scène de danse vertigineuse sur le « Prettiest Virgin » d’Agar Agar.
Film sorti le 10 avril 2019