COURTS
CALL ME A GHOST de Noel Alejandro : solitude et extase
Noel Alejandro continue de brouiller les pistes entre fiction et érotisme avec « Call me a ghost ». Le désir et le sexe sont filmés de façon explicite, c’est d’un érotisme assez foudroyant mais c’est aussi plus que ça. Cataloguer cette production à du x serait réducteur et en même temps dire qu’elle n’est pas pornographique serait une erreur car son auteur travaille depuis des années pour redessiner avec brio la représentation du sexe à l’écran. Les vidéastes qui se consacrent à la question de la mise en scène du sexe gay au cinéma se comptent sur le doigt d’une main et on ne remerciera jamais assez Noel Alejandro de continuer dans cette voix et de tisser, film après film, une oeuvre à la fois sexy et réflexive, excitante et sensorielle, chaude et belle.
Chaque nouveau projet de l’artiste s’accompagne d’une certaine euphorie car il donne l’impression de progresser en permanence. « Call me a ghost » est ainsi une merveille esthétique où absolument rien n’est laissé au hasard en terme de réalisation. Les images, la photo, le cadre, le son : tout est au top.
L’histoire est celle d’un garçon qui traverse une période de solitude. Dans une maison vide et à moitié délabrée, il ne trouve pas la force de faire grand chose. Un état de paralysie émotionnelle le pousse à rester le maximum de temps possible au lit. Personne ne vient le voir, le contact est rompu avec l’extérieur, seul son jardin semble lui apporter un peu d’air frais. Subit-il cette vie solitaire ou est-ce un choix ? L’interprétation reste ouverte. La nuit, il entend de mystérieux bruits émanant de l’étage du dessus. Intrigué, il décide d’aller voir et croit apercevoir un fantôme. Un fantôme hautement fantasmatique et désirable.
Quand on se sent seul, le sexe peut être une issue de secours, une façon de tromper l’ennui, de s’accorder un peu d’ivresse. Le protagoniste de « Call me a ghost » s’échappe en se masturbant de façon quasi glauque devant des magazines avant de plus tard rêvasser. Si la solitude et la déprime n’ont rien d’évident, elles peuvent aussi laisser émerger une forme de beauté. C’est ce que montre très joliment Noel Alejandro à travers ce nouveau film : contre la misère affective, on survit avec des rêves, avec des espoirs, on dessine dans sa tête des histoires et des garçons. Soudain, tout devient possible.
Si la partie « traditionnelle » est très bien menée, pleine de sensibilité et de douceur et portée par deux comédiens/modèles aussi séduisants que touchants, la partie « hot » vaut elle aussi sacrément le détour. Noel Alejandro matérialise à l’écran l’excitation du vide et de la nuit. Rien n’est plus excitant que le bruit du sexe quand il est le seul à investir l’espace. Les pieds qui foulent le sol, les peaux qui se touchent, chaque geste, chaque mouvement est ici décuplé et devient objet d’excitation. Faire l’amour intensément à moitié dans l’obscurité, à moitié réveillé : l’extase garantie, le sensoriel plus troublant que jamais.
Film produit en 2017 et disponible sur noelalejandrofilms.com