FICTIONS LGBT
CE QU’ON A de Maxime Desmons : âme en peine
Maurice (Maxime Desmons), trentenaire français, débarque dans une petite ville du Canada. Acteur, il intègre une troupe gérée en partie par Michael (Jean-Michel Le Gal), un homme avec lequel il avait couché peu de temps auparavant et qu’il avait éconduit. Alors qu’il cherche sa place au sein du groupe et gère ses sentiments contradictoires envers Michael, Maurice se change les idées et se fait un peu d’argent en donnant des cours de français. Il se prend peu à peu d’affection pour son élève, Allan (Alex Ozerov), un jeune gay mal dans sa peau qui termine péniblement ses années lycée. Beau sans le savoir, tourmenté, le jeune homme est victime au quotidien d’une violente homophobie de la part de ses camarades de classe. Stoïque, Maurice assiste à plusieurs brimades dont est victime Allan à la piscine municipale où ils se rendent tous deux. Au fil des semaines, l’acteur perd pied. Bouleversé par son élève, il aimerait lui venir en aide mais ne sait comment réagir. Le fait que ce dernier se mette à lui faire des avances n’arrange rien au climat de confusion ambiant. Cette relation ambigüe fait remonter à la surface des souvenirs traumatisants pour Maurice qui n’a pas changé de pays pour rien…
Premier long-métrage de Maxime Desmons en tant que réalisateur, Ce qu’on a (What we have en VO) prend aux tripes. Portrait d’un comédien à fleur de peau qui cherche sa place, le film est chargé d’une mélancolie bouleversante et appuie sur de nombreux points sensibles. Maurice (interprété par le réalisateur Maxime Desmons lui-même) est un homme en cavale. Il a fui son pays, refuse l’amour qu’on lui porte, tente d’échapper à la réalité en se réfugiant sur scène. Mais malgré tous ses efforts, il ne peut contrôler ses émotions, se détacher d’un passé qui le hante et d’un présent qui lui noue l’estomac. Tout serait sans doute plus simple pour lui s’il acceptait d’entrer dans le moule. Être sympa avec tout le monde, sortir avec le gentil Michael qui ne demande qu’à lui faire du bien… Mais quelque chose coince, empêche d’opter pour la facilité.
Au coeur du métrage, la relation déchirante entre l’acteur / professeur et un jeune élève qui découvre son homosexualité dans la douleur. Les regards échangés entre Maurice et Allan sont d’une force et d’une profondeur sur lesquelles on peine à mettre des mots. C’est là toute la réussite de l’oeuvre : faire passer des émotions et sensations extrêmement souterraines, personnelles, souvent difficiles, sans passer par de longs dialogues explicatifs. Des premiers au seconds rôles, les personnages bénéficient tous d’une écriture riche et subtile, toute en nuances. Les larmes montent aux yeux, l’envie de prendre chacun dans ses bras nous envahit.
Par l’extrême vulnérabilité de ses protagonistes magnifiquement interprétés, par sa faculté à sonder les blessures du coeur et de l’âme avec une précision remarquable, Ce qu’on a marque et bouleverse durablement, s’apparentant à un grand mélodrame. A voir.
Film produit en 2014