FICTIONS LGBT
CIBRÂIL de Tor Iben : Berlin, ville ouverte ?
Berlin. Cibrâil (Sinan Hancili), beau mâle viril d’origine turque, vit avec sa petite amie galeriste dans un joli appartement. Travaillant comme policier, ses journées défilent entre ennui, agacement (il doit se coltiner un collègue loin d’être fin) et violence (les agressions se succèdent). Depuis quelques temps, le jeune homme a du mal à dormir la nuit, ne se sent pas très bien dans ses pompes. Pour évacuer la pression et oublier ce qui le ronge mais qu’il n’ose exprimer, il court dans la ville, prétendant s’entraîner pour un marathon, et ce malgré quelques petits problèmes de santé. Le quotidien très tranquille de son couple va basculer quand sa copine invite chez eux son cousin Marco (Engin Sert), venu faire un peu de tourisme. Ce dernier, légèrement immature et ouvertement gay, ne manque pas de troubler Cibrâil et de le mettre face à des pulsions qu’il refoulait jusqu’alors…
Premier long-métrage de Tor Iben, Cibrâil a été réalisé avec peu de moyens. Cela se ressent à l’écran (pas de photographie léchée, plutôt un regard brut / un son parfois un peu cheap) et quelques maladresses ne manquent pas de pointer le bout de leur nez. On comprend très vite ce qui taraude le personnage principal et la façon de l’amener vers une lente acceptation de lui-même, outre un air de déjà vu, manque parfois de subtilité (le summum étant atteint lors d’un énorme sous-entendu devant une saucisse, le temps d’un barbecue !). Le réalisateur ne cherche à l’évidence pas à prouver qu’il est un metteur en scène de génie, ni à proposer une œuvre marquée par l’audace ou l’originalité. C’est plutôt tout le contraire : Tor Iben préfère se focaliser sur l’intime, les sentiments, un récit tout personnel faisant la part belle à des acteurs aussi séduisants que convaincants. La tension sexuelle est au rendez-vous et l’émotion aussi, la petite romance qui se dessine entre Cibrâil et Marco se révélant de plus en plus craquante.
A travers la quête identitaire de son personnage titre, Cibrâil nous plonge dans un Berlin aux différents visages. Une ville attractive, reconstruite, pleine de beauté et de mystères, dans laquelle il fait bon de jouer au touriste, de se balader, de se perdre. On peut y être soi-même, sans souffrir du regard des autres. Ou presque… Par le métier qu’exerce Cibrâil, il est rappelé que malgré l’ouverture d’esprit générale, les agressions subsistent. Et que si certains peuvent s’offrir des parenthèses sexuelles gourmandes au beau milieu d’un parc l’après-midi, cela ne se fait pas sans danger. Un commerçant se fait voler en étant insulté de « suceur de bites », un jeune mec est retrouvé mort un matin dans le parc… Face à ces événements, Cibrâil se sent très mal à l’aise, d’autant plus qu’il doit composer avec le caractère blasé de son collègue. A eux deux, Cibrâil et Marco représentent deux opposés. Le premier, sans doute de par ses origines, a du mal à s’affirmer même s’il est bien intégré dans la société. Le second vit librement ses passions. Leur belle rencontre donnera lieu à un apaisement salutaire.
C’est un film qui repose sur peu de choses, dont la beauté simple émane de sa fragilité. C’est doux et modeste, un peu inégal, mais franchement attachant.
Film sorti en 2011 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen