CINEMA

CLÉOPÂTRE de Joseph L. Mankiewicz : démesure

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Tout n’est que démesure dans le mythique Cléopâtre. Un budget pharaonique, des décors fous, un tournage qui a fait couler beaucoup d’encre (changement de réalisateur, poisse totale qui a retardé la production au point que la Fox était au bord la faillite, caprices d’Elizabeth Taylor, liaison entre cette dernière et Richard Burton qui provoqua le scandale et surtout au final un film qui n’est pas celui voulu par son auteur – Mankiewicz souhaitait en faire une oeuvre en deux parties, avoisinant au total les 6 heures de métrage !). Le résultat est un film de près de 4h, coup de folie hollywoodien qui en met plein les yeux et offre à Elizabeth Taylor un de ses plus grands rôles.

Après la bataille de Pharsale, Jules César (Rex Harrison) regrette de ne pas arriver à mettre la main sur Pompée pour l’affronter comme il se doit. Il apprend qu’il serait en Egypte. César entend s’y rendre à la fois pour ce duel attendu et pour au passage essayer de régler les différents entre Ptolémée (Richard O’ Sullivan) et sa soeur Cléopâtre (Elizabeth Taylor). Cette dernière a été mise à l’écart après de multiples manigances.

Arrivé en Egypte, César découvre que Pompée a été assassiné, les égyptiens pensaient lui faire plaisir. Il reçoit très vite la visite de Cléopâtre qui lui propose de s’allier pour étendre ensemble leur pouvoir et leurs conquêtes. D’abord très réticent face à cette femme connue pour son intelligence, sa beauté autant que son sens de la manipulation, César finit par se laisser attraper dans ses filets. Elle devient la reine d’Egypte et le couple a ensemble un enfant. Aux côtés de Cléopâtre, César trouve une partenaire qui aiguise ses ambitions, le porte… Leur union, sentimentale comme politique, va les amener vers les sommets à Rome. Et plus dure sera la chute quand César se fera assassiner.

Le temps passe, Cléopâtre quitte Rome et retourne à Alexandrie. Après la mort de César, les héritiers de ce dernier, son neveu Octave (Roddy McDowall) et le général romain Marc Antoine (Richard Burton), sont en pleine guerre d’ego. Guerrier hors pair mais pas très bon politicien, Marc Antoine se retrouve à devoir quémander l’aide de l’Egypte et donc de Cléopâtre. Cette dernière use à nouveau de ses charmes pour instrumentaliser cet homme de pouvoir, secrètement amoureux d’elle depuis longtemps et obsédé par son complexe d’infériorité vis à vis de César. La passion qui nait entre eux va les dépasser.  De multiples retournements de situation les attendent, qui pourraient les mener à leur perte…

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Péplum géant de 4 heures, le film de Joseph L. Mankiewicz parvient à tenir en haleine du début à la fin et pas forcément comme les fans de peplum auraient pu l’attendre. Il n’y a en effet que très peu de batailles spectaculaires. Le paquet est mis sur les intrigues politiques et sentimentales dans des décors énormes peuplés par des milliers de figurants. Cette foule omniprésente à l’écran, ces gros moyens, rendent le métrage très vivant et renforcent la puissance des scènes où les personnages principaux se confrontent quand ils sont en face à face dans des pièces d’un faste à couper le souffle.

Si les fans d’action et de combats épiques pourront rester sur leur faim, les autres apprécieront la finesse de l’écriture, la psychologie poussée des personnages, leur ambiguïté, et l’interprétation inoubliable du trio Elizabeth Taylor / Richard Burton / Rex Harrison, hollywoodienne à souhait, lyrique, extrêmement habitée, flirtant avec un caractère shakespearien.

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Ce que l’on retient le plus à la fin de ce grand spectacle aux multiples rebondissements et retournements de situation, ce sont les décors démesurés, ces couleurs qui fusent, la beauté des costumes, le soin apporté au plus moindre détail. On y croit plus que jamais, on est dans le fantasme aussi , tout est « trop » et c’est absolument fascinant. En parlant de « trop », impossible de ne pas parler d’Elizabeth Taylor qui trouve là un des rôles qui ont achevé de constituer sa légende. Elle est parfaite dans la peau de Cléopâtre, on n’imagine personne d’autre à sa place. Son intensité, la complexité qu’elle apporte à son personnage (délicieusement imprévisible, au regard hypnotique et insondable – on se demande toujours jusqu’où elle ira, de quoi elle est capable, ses sentiments paraissent toujours insondables), ses robes. Difficile de faire plus diva que cette héroïne. Le passage de son arrivée à Rome est un souvenir de cinéma inoubliable.

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La Cléopâtre de ce film (qui se permet beaucoup de liberté avec l’Histoire) est une femme ensorcelante, irrésistible. Aucun homme ne semble pouvoir lui résister. Experte dans l’art de la séduction, elle est aussi et surtout extrêmement fine, intelligente, cultivée, avec un sens de la politique aiguisé. Pour des hommes comme César et Marc Antoine obsédés par le pouvoir, elle constitue une compagne complice qui non seulement peut les comprendre mais aussi les nourrir, les amener à se sentir plus fort, à se surpasser. Chaque homme qui se laisse attraper dans ses filets n’en ressort évidemment pas indemne. L’amour que les hommes portent à cette reine au caractère bien trempé peut vite avoir raison de leur lucidité et de tout le reste, les consumer et les mener à leur perte. L’amour ici est obsession et il amène les personnes les plus tenaces et les plus fortes à céder à une vulnérabilité insoupçonnée.

Mankiewicz nous raconte plusieurs époques et deux grands amours : le premier avec Jules César, triomphal et politique, et le second avec Marc Antoine, plus passionnel et fatal. Richard Burton est sublime dans son costume d’homme sanguin mais blessé dans son égo. Au fil du métrage il dévoile ses failles et le guerrier admiré et redouté ne devient plus qu’un garçon infiniment romantique et déprimé. Un homme brisé par ses sentiments et son incapacité à se mesurer à cette figure de César qui ne cesse de se rappeler à son souvenir. Les scènes entre Burton et Taylor sont d’une rare puissance (de ce banquet un brin pervers et étourdissant où Cléopâtre lui met le grappin dessus aux dernières scènes infiniment tragiques).

Au final dans cet océan de démesure, tout ce qui obsède les protagonistes c’est la conquête. Plus de pouvoir, plus de territoire, posséder l’amour du peuple ou tout simplement la personne que l’on aime.

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Intrigues, coups bas, affrontements, manipulation et passion s’entremêlent à merveille en même temps que la faiblesse des hommes s’oppose à la grandeur de cette Cléopâtre fascinante. La beauté d’Elizabeth Taylor et sa passion sont ici à leur paroxysme. On peut se risquer à avancer qu’il s’agit là de l’un des portraits de femme les plus captivants du septième art.

Film sorti en 1963. Disponible en DVD et VOD.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3