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DANGEROUS DRUGS OF SEX de Hideo Jôjô : thriller gay extrême 

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Considéré par les amateurs du genre comme l’un des films boyslove les plus subversifs jamais produits, Dangerous drugs of sex (Sei no Gekiyaku) ne faillit pas à sa réputation et s’avère être un thriller gay particulièrement dérangeant à ne pas mettre entre toutes les mains… 

Katusragi (Sho Watanabe) est un jeune homme à qui tout semble réussir. Sa carrière décolle dans un prestigieux bureau et il est ravi de pouvoir payer des vacances à ses parents qu’il aime énormément. Quand ces derniers rentrent de voyage et lui demandent de venir les chercher à l’aéroport, il est au lit avec une jolie jeune femme qui n’a aucune envie qu’il parte. Il laisse ses parents prendre un taxi. Mais plus tard un appel l’informe que ses parents ont eu un accident dans le taxi qu’ils avaient pris. Ils n’y survivront pas. 

Dévasté et rongé par la culpabilité, Katsuragi voit toute son existence dériver. Il ne va plus travailler et passe ses nuits à se saouler. Déprimé au plus haut point, il décide de mettre fin à ses jours en sautant d’une tour. Mais un mystérieux inconnu, Yoda (Takashi Kitadai), le rattrape et lui dit que plutôt que de jeter sa vie en l’air il ferait mieux de la lui donner… Yoda endort Katuragi qui se réveille plus tard dans une pièce glauque, nu et attaché ! Visiblement hautement perturbé, extrêmement dominateur voire sadique, Yoda entend rappeler à Katsuragi que son corps réclame de vivre en l’initiant à des pratiques BDSM gay qui le conduiront à une forme d’extase. 

Logiquement tétanisé, prisonnier, Katusragi se retrouve être le jouet de cet homme vicieux. Au fil des jours, leur rapport se complexifie, Katusragi voyant son propre corps lui échapper en quelque sorte , celui-ci réagissant grandement aux stimulations interdites de Yoda…

dangerous drugs of sex film

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On ressort de ce film sans voix, profondément troublé voire hanté par ce que l’on vient de voir. Clairement ce type de films ne pourrait jamais bénéficier d’une sortie dans un circuit classique en France tant il explose toutes les limites de la morale et de la bienséance tout en posant des questions que la majorité n’a pas envie de se poser sur des thématiques archi sensibles tels que la mort, l’auto-destruction, l’abus… 

Le début du métrage pose de façon redoutable une atmosphère glauque et un érotisme extrêmement noir. Les scènes lors desquelles Katsuragi est initié aux plaisirs de Yoda sont compliquées à regarder et à encaisser, pulvérisant nos propres limites, pouvant à minima générer l’inconfort voire s’avérer insoutenables. Les situations et images chocs se multiplient alors qu’on découvre comment Katsuragi a fini par se retrouver là. Et se pose la question : aurait-il mieux fait de mourir plutôt que d’être secouru par ce dominateur toxique aux multiples visages ? 

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Difficile d’anticiper le scénario (adapté d’un yaoi), assez diabolique et d’une rare complexité jusqu’à un final pour le moins étonnant, même si on perçoit rapidement qu’un bon gros Syndrome de Stockholm est en marche. Si Dangerous Drugs of sex marque aussi fort et dérange aussi profondément c’est parce qu’il apporte à ce rapport dominant-dominé inégal et hautement condamnable de nombreuses nuances , zones de gris et tentatives de décryptage. Le réalisateur Hideo Jôjô, qui s’est fait la main sur des « pink movies » hétéros et qui étonne ici par la force de sa mise en scène et l’aspect retors de son intrigue, montre que dans les situations les plus noires et douloureuses peuvent surgir des ambiguïtés et que derrière chaque monstre peut se cacher une histoire – même quand on se refuse à vouloir le voir ou l’admettre.

A total contre-courant de l’ère post me too et du tribunal des réseaux sociaux qu’elle a pu engendrer pour le meilleur (le soutien aux victimes) et pour le pire (l’inouïe violence des attaques en ligne), ce long-métrage qui a tout pour choquer et être censuré, s’abstient de tout jugement sur ses protagonistes, laissant le spectateur se dépatouiller avec tout ce qu’il voit et y apporter sa propre grille de lecture. Et qu’on le veuille ou non, ce thriller noir très ambigu et ambivalent soulève des questions de fond aussi problématiques qu’intéressantes. Il interroge les limites de chacun en dépeignant la relation abusive, abrasive et subversive de deux hommes rongés par la perte et la dépression, finissant par renouer avec la vie au travers de leurs rapports tordus. Âmes sensibles s’abstenir, définitivement. 

Film produit en 2020 et disponible en VO sous-titré anglais sur la plateforme Gagaoolala 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3