CINEMA

DONNIE DARKO de Richard Kelly : Mad World

By  | 

1988, Middlesex, une petite bourgade des Etats-Unis. Donnie Darko (Jake Gyllenhaal) est un adolescent troublé qui inquiète ses parents. Il est fréquemment victime de somnambulisme, est sujet à des visions, se livre à des actes irraisonnés. Ses séances chez une psychiatre ne l’aident pas vraiment. Cette dernière le pense schizophrène paranoïde. Malgré sa différence, Donnie est plutôt bien intégré dans son lycée, est un élève doué et un jeune homme bien plus intelligent que la moyenne.

Son quotidien bascule alors qu’un lapin géant et un brin effrayant cherche à entrer en contact avec lui, lui donnant une énigmatique mission tout en lui annonçant la fin du monde. Peu à peu, sa petite vie monotone à Middlesex tourne au fantastique : un réacteur d’avion s’écroule dans sa chambre, il a l’impression de pouvoir anticiper l’avenir, entame pour la première fois de sa vie une relation sentimentale avec une nouvelle qui vient d’arriver dans sa classe (Gretchen, interprétée par Jena Malone). La fin du monde est-elle vraiment sur le point de survenir ? Donnie pourra-t-il changer le cours des choses ?

donnie darko film

C’est sans aucun doute l’un des teen movies les plus poétiques et étonnants qu’on ait eu l’occasion de voir. Pour son premier long-métrage, Richard Kelly frappe un grand coup avec ce Donnie Darko, hyper sensible et abstrait. Jake Gyllenhaal y explose en adolescent perdu entre plusieurs réalités, à la fois terriblement attachant et un poil inquiétant.

Si l’intrigue, volontairement alambiquée, peut donner lieu à plusieurs interprétations, l’oeuvre peut aussi très bien se suivre comme un drame ado parfaitement stylisé, original, sur le thème de la différence. Donnie est sensé être le cinglé des environs mais on se rend vite compte qu’il est souvent le plus lucide et qu’il évolue dans un drôle de monde. Le quotidien nous est présenté à travers son regard, nous permettant de partager sa vision plus ou moins déformée des éléments qui l’entourent.

Au lycée, une prof un tantinet fanatique se permet d’introduire des vidéos censées aider à se sentir bien dans ses pompes mais réalisées par une sorte de gourou qui se révélera être un pédophile. On culpabilise les parents sur l’éducation de leurs enfants mais on pousse les gamines à s’illustrer dans des numéros sexy afin d’espérer pouvoir concourir à des jeux télévisés. Et on pousse à la porte les profs qui essaient de faire vraiment appel à l’intelligence et la curiosité des élèves parce qu’ils osent présenter des œuvres jugées subversives par quelques esprits étriqués… Dans cette petite bourgade américaine, les choses ne tournent définitivement pas rond.

La différence de Donnie apparaît selon les personnes comme une donnée suscitant la crainte (ses parents qui ont peur de le laisser dériver) ou l’attraction (Richard Kelly nous évite les clichés de l’ado bizarre rejeté – son personnage est au contraire apprécié, plaît aux filles, amuse souvent la galerie).

Qu’est-ce qui est normal et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Alors qu’un réacteur s’écrase dans une chambre sans que l’on retrouve l’avion, on accepte cette donnée. On cherche des excuses à un gourou dont le donjon pédophile a été découvert… Pourquoi alors se formaliser alors que Donnie se livre à quelques actes un peu bizarres ? … La fin du monde qui est annoncée au jeune homme est avant tout la fin de son propre monde : il pourrait perdre sa famille, la fille dont il est en train de tomber amoureux… à moins que tout cela ne soit que dans sa tête, que tout ne soit qu’invention. Récit d’un ado usant du voyage dans le temps pour devenir un héros tragique ou délire d’un garçon tourmenté ? Chacun est libre de voir ce qu’il veut dans cet ensemble mélancolique et onirique, porté par une très belle bande-originale. Et le spectateur d’être confronté à son rapport au réel, à la normalité, tout en se replongeant au cœur de l’adolescence où les peurs et les sentiments sont décuplés. Un film déjà culte et extrêmement attachant.

Film sorti en 2002 et disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3