FICTIONS LGBT
DREAM BOAT de Tristan Ferland Milewski : coulisses d’une croisière gay
Avec Dream Boat, le réalisateur Tristan Ferland Milewski infiltre la croisière gay du même titre. 3000 garçons embarquent pour une semaine sur un bateau de rêves. Détente, fête et drague au menu. Chaque soirée dispose de son propre thème avec les déguisements de rigueur qui vont avec. La caméra du réalisateur s’attarde sur plusieurs personnalités emblématiques. Ce huis clos devient alors l’occasion de dresser un certain portrait de « la communauté gay » avec ses attraits et ses pièges.
Les premières minutes du métrage font l’effet d’un mirage : la photographie est très belle et magnifie la horde de mâles super gaulés qui danse du matin au soir en tenue légère. Un air de fête qui ne s’arrête jamais. Dream Boat se révèlera d’ailleurs être un film sur la répétition. Chaque soir le même rituel : se préparer, s’habiller en fonction de la thématique, aller danser, draguer, espérer rencontrer quelqu’un.
Les mecs sculptés finissent un peu tous par se ressembler, la musique en fond se répète volontairement. On a vite fait de passer son temps à vouloir profiter de la vie, butiner, exploiter au maximum le charme de la jeunesse avant qu’il ne soit trop tard. On repousse l’échéance, on se met des oeillères et puis un jour on redoute que le moment tant redouté soit arrivé : celui où l’on n’est plus l’objet de désir, où l’on craint de ne plus pouvoir croiser l’amour.
Derrière les danses endiablées et les sourires, petit à petit les différents intervenants se livrent sur la solitude qui les ronge. Ils recherchent tous au fond la même chose : être aimé et continuer d’avoir la sensation de plaire. Être aimé et désiré : de quoi calmer toutes les peurs et maux. Si pour bon nombre de garçons ce concept d’être une semaine entre mecs à picoler et festoyer constitue un rêve, pour d’autres cela peut aussi être un cauchemar. Il est évidemment plus facile de passer un agréable séjour sur ce bateau quand on a le look « clone », qu’on est bien foutu et charmant. Les autres, qui ont des imperfections ou qui n’ont pas le niveau côté apparence, peuvent se sentir mis de côté.
« Tant qu’on a un bon c*l et/ou une bonne b*te, on s’en sort toujours » balance un des protagonistes. L’apparence semble en effet ici reine et on devine chez certains un malaise. D’autres, qui correspondent parfaitement à l’image du gay sexy et athlétique, regrettent qu’on ne leur parle que pour leur image et pas pour ce qu’ils sont à l’intérieur… La dureté de la superficialité du monde de la nuit gay est ici poussée à son paroxysme puisque la fête se poursuit sur 7 jours !
Avec finesse, Tristan Ferland Milewski aborde de nombreux sujets à travers ses différents portraits. L’homosexualité et le handicap, les tourments intérieurs de ceux qui se réfugient dans le milieu quand ils sont rejetés par leurs proches, leur culture / religion, la discrimination par l’âge ou par le physique, la façon de concevoir le couple ou la sexualité, la question de la santé sexuelle…
Entre paradis et enfer ce voyage hypnotique et sensible reste en tête pour ses protagonistes attachants, tantôt sublimés et transformés en personnages de cinéma tantôt scannés avec leur drôlerie, leurs défauts, leurs paradoxes. Le regard est franc, tendre, et on retient avant tout, au-delà des frustrations et mécaniques parfois impitoyables, la beauté de la camaraderie, les yeux qui pétillent alors que pris dans l’élan de la fête tout le monde s’oublie.
Sortie en salles le 28 juin 2017 et disponible en VOD