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Enchantée Julia signe le plus bel album de l’année avec « Onze »
On en attendait beaucoup car on la suit depuis des années et on adore ce qu’elle fait, et on n’est pas déçu en découvrant le si attendu premier album d’Enchantée Julia, intitulé Onze. Onze en clin d’oeil à la numérologie qu’elle affectionne, à ce chiffre qui lui a souvent porté bonheur et qui annonce la couleur de 11 pistes d’une rare douceur.
Présentée à ses débuts comme une artiste r’n’b puis petit à petit comme une chanteuse neo-soul, Enchantée Julia échappe en fait aux cases avec un son qui se définit moins par les genres musicaux qu’il traverse et mélange que par les émotions qu’il procure. La flopée d’articles hautement méritée qui s’enthousiasme à l’écoute de ce disque reprend souvent les mêmes mots et termes, qui s’imposent en effet d’eux-mêmes : miel, douceur, poésie. En ces temps on ne peut plus troubles, l’ensorcelante voix de Julia débarque dans nos vies pour apaiser tous nos maux, pour nous réconforter, pour nous faire un bon gros câlin musical tellement nécessaire. L’enchantement opère du début à la fin en nous baladant joliment d’une atmosphère à l’autre.
Ce premier album est sorti en collaboration avec l’excellentissime label Roche Musique, qui peut se targuer d’avoir ravivé et réinventé une certaine French touch avant d’accueillir de plus en plus d’artistes aux couleurs soul multiples. Et dès le premier morceau, Cygne, on est mis KO face l’immense beauté de la chose. La production de l’ensemble est folle, d’une élégance rarement entendue en France, sans trop en faire. La magie est là, et puis c’est tout. Le moins qu’on puisse dire, est qu’Enchantée Julia déborde de belles intuitions et que son grand coeur a le chic de nous toucher au plus profond. Cygne est presque épuré, magnifique écrin pour la voix de Julia. A son image, il trace doucement sa route, subtilement, et petit à petit les accords, la voix, les détours, nous accrochent, nous foudroient même alors que l’intensité monte crescendo (mais jamais trop fort, juste pile là où il faut pour toucher dans le mille l’émotion la plus pure et sincère ). Le frisson dès le premier titre, OK.
Suit Save Me, choisi comme single : du down tempo groovy qui donne envie de danser au ralenti, avec des paroles sentimentales qui redonnent l’espoir de trouver sa douce moitié dans ce monde de brutes. Et une moitié, Enchantée Julia en a une et elle l’invite dans le morceau Onze. C’est le rappeur sensible au flow génialement singulier, Prince Waly (qui s’était déjà invité sur un de ses premiers morceaux, 45 Tours et qui l’avait invité en retour pour son album à lui et plusieurs duos réjouissants). On reste dans un rythme faussement lent, langoureux, nous décrochant une infinité de petits sourires, propageant du love à n’en plus finir. C’est vraiment l’une des grosses caractéristiques de Onze : c’est un disque qui déborde d’amour. Un amour consolateur, qui rend plus fort, qui aide à affronter tout ce qu’il peut y avoir de moche ou de difficile dans nos existences. S’il y a une image qui nous vient en tête, c’est celle du bout du tunnel, de la belle lumière qui nous attend quand on redoutait de ne plus sortir d’un grand noir abyssal.
Après le chill Ballade, Doutes comme son titre l’indique laisse l’obscurité, les craintes, l’anxiété s’infiltrer tout en cherchant une belle porte de sortie. C’est l’occasion d’évoquer l’écriture d’Enchantée Julia qui se livre ici avec beaucoup de sincérité, qui sonde son âme et son coeur, ses fêlures, et qui use de sa voix comme pour convoquer des cieux plus cléments. Sa voix puissante panse les plaies comme elle invoque, autant qu’ elle donne l’impression de sourire ou de pleurer par la façon de jouer avec des notes contraires et nuancées. Un art du chant funambule en somme. La sève témoigne d’une mélancolie omniprésente, d’un clair-obscur musical où le fait de chanter à coeur et choeurs ouverts permet de réparer et d’avancer.
On peut décréter que Onze avec ses 6 premiers morceaux propose un nouveau visage ou en tout cas un prolongement de l’univers musical d’Enchantée Julia qui ne cherche pas l’efficacité, la facilité, qui prend son temps pour tisser des mélodies, des airs (et des aires), des paroles à la poésie simple, qui vont nous traverser pendant des semaines, des mois et sans doute même des années. Mais il ne faut pas oublier que quand elle se rapproche de l’up tempo, Julia sait être d’une efficacité redoutable. Si on voit les 6 premiers morceaux comme un premier chapitre introspectif et caressant, la suite se mue en feu d’artifice tout en répandant sa belle énergie et en parlant des liens du coeur sous toutes leurs formes (amour, amis, famille). Go entête à fond tout en jouant la carte de la nostalgie, le magnifique single plein de souffle et d’amour Fleur de peau n’en finit plus de ravir, Leitmotiv nous donne envie de refaire le monde en chantant et dansant partout et Les santolines clôture le tout en apothéose avec le groove tranquille et irrésistible de cette artiste qui nous fait tellement de bien qu’on a l’impression qu’elle est devenue le temps d’un disque notre nouvelle meilleure amie imaginaire. Parce que quand on l’écoute on se sent compris, en phase, elle trouve toujours les bons mots pour cerner ce qui nous travaillent et apportent aux plaies les plus délicieux remèdes.
Dans chaque album il y a toujours un numéro qui vous aspire d’emblée un peu plus que les autres. Ici c’est le numéro 8 et il s’appelle Mystère. Ca ne s’explique pas : le frisson, le coup de foudre dès la première écoute, boom en plein coeur. Ces paroles limpides et qui font mouche, la façon qu’Enchantée Julia a de jouer avec sa voix, l’hypersensibilité qui s’en dégage. En boucle, en boucle, en boucle !
Bref, Onze est évidemment l’album préféré de popandfilms cette année, un véritable rêve musical pour les fans de la première heure d’Enchantée Julia qui offre ici un ensemble ravissant et profondément touchant avec une exigence absolue finement planquée derrière un débordement de générosité et de mains tendues musicales. Cet album, on a l’impression qu’il sera là pour nous, tout le temps, pour longtemps et on a envie de dire pour toujours. Et il a la rare qualité de vous intriguer à la première écoute, de vous faire revenir, encore et encore, et de gagner en force et en beauté à chaque délicieuse occasion que vous aurez de le laisser se déployer. Cette année, la plus grosse claque de l’année est une caresse. Merci.