FICTIONS LGBT
ENCORE (Once More) de Paul Vecchiali : perdus
1978, Paris. Louis (Jean-Louis Rolland) s’éloigne de sa femme, Sybèle (Florence Giorgetti). Un jour il lâche tout : il ne peut plus vivre avec elle, il ne peut plus vivre ce quotidien-là. Il ne la désire plus, elle le dégoûte, il faut qu’il parte. Pour l’épouse, l’annonce est cruelle, brutale. Elle va avoir du mal à s’en remettre. Soutenu par sa fille, avec laquelle il entretient des liens extrêmement forts, peut-être trop, Louis refait sa vie, se trouve un appartement.
Il devient ami avec un vagabond et l’acolyte de celui-ci, une femme qui chante dans le métro. Ce drôle de duo va l’aider à assumer une homosexualité jusqu’alors très rentrée et lui présenter Frantz, un gay aguicheur. Frantz sort le grand jeu dès le premier rendez-vous, parle de coup de foudre. Louis est d’abord sceptique puis se laisse faire. Il découvre la sexualité, tombe follement amoureux. Mais entre les deux hommes ce sera « Je t’aime moi non plus » : plus Louis s’attache plus Frantz fuit jusqu’à lui demander de l’oublier, préférant se perdre dans la nuit et ses rencontres éphémères.
A vif, Louis va tenter de continuer à vivre, flirtant avec la mort, alors qu’au début des années 1980 le Sida fait son apparition sans que la communauté gay ne réalise vraiment la catastrophe qui s’annonce…
Film rare que Encore (Once More) de Paul Vecchiali qui dresse le portrait, avec une énorme sensibilité, d’un homme marié qui du jour au lendemain va tout plaquer pour tenter d’être en accord avec lui-même. Qu’on se le dise, l’homosexualité n’est ici pas très lumineuse. Louis, même une fois libéré de son mariage, a du mal à s’autoriser à vivre. Il reste seul, tâtonne, se laisse porter par le cours des choses. Il a brisé le coeur de sa femme mais tente de rester présent, il fait du mieux qu’il peut avec sa fille qui l’aime de façon démesurée.
Ce long-métrage à la mise en scène étonnante et inspirée (de nombreux plans séquences, des transitions dans les dialogues qui brouillent la temporalité) montre le difficile cheminement d’un homme dont l’homosexualité est autant source de vie que de mort. Louis se sentait tel un mort vivant avec sa femme, une fois qu’il découvre les amours entre hommes il fait les frais d’une passion orageuse, où les sentiments peinent à s’exprimer.
L’amour se vit dans la clandestinité, on n’ose pas se dire les choses, on aime que l’inaccessible, celui qui nous fera du mal. La vision du métrage est délicate tant l’univers de Vecchiali est particulier. Les premières scènes, avec un jeu pour le moins sur le fil, sonnent comme du mauvais théâtre de boulevard hystérique. Et globalement le projet n’aura de cesse d’osciller entre un feuilleton hystéro bourré de dialogues clichés et une proposition de cinéma qui bouleverse régulièrement par surprise. Quasi risible ou grotesque un coup, émouvant et très intense au suivant : l’oeuvre ressemble aux émotions instables qui submergent son personnage principal, toujours entre la joie et la tristesse, le souffle de vie et la pulsion de mort. Les années passent, les blessures restent. Des amitiés magiques et inattendues se créent, des rencontres viennent redonner de l’espoir, l’amour trop fort porté aux autres est comme une plaie qui ne se referme jamais.
Si l’on peut sortir un brin sceptique de cette fiction hybride, qui ne ressemble à pas grand chose d’autre (on pourrait penser un peu à Demy pour les passages « en-chantés » mais tout est tellement instable qu’on est vraiment désorienté – ce qui donne par ailleurs à l’ensemble un vrai charme), elle distille un drôle de parfum qui ne nous quitte pas. Un père et sa fille dans le métro, les rencontres de hasard qui suivent, la cruauté des échanges entre les amants qui ne savent pas comment s’aimer… Il y a de la profondeur, du courage, quelque chose qui marque et balaie toutes les imperfections.
Film sorti en 1988 et disponible en VOD