FICTIONS LGBT
LA TRICHE de Yannick Bellon : enquête policière et passion
La triche de Yannick Bellion est à redécouvrir. Un mélange de romance et de polar, efficace et noir.
Michel Verta (Victor Lanoux) est un commissaire très respecté et influent. Il forme avec sa femme, la très élégante et brillante Nathalie (Anny Duperey), un couple solide et complice. Depuis des années, Nathalie ferme les yeux sur les possibles infidélités de son compagnon. Ce qu’elle ignore, c’est que celui-ci ne la trompe pas ponctuellement avec des femmes mais avec des hommes. Jusqu’alors Michel a soigneusement gardé secrètes ses inclinations bisexuelles…
Les choses vont basculer quand Jean Morane (Michel Galabru), propriétaire d’un club de nuit / cabaret queer va être assassiné. Le spectateur découvre l’auteur du crime : Manuel (Roland Blanche), une crapule qui se faisait passer pour un ami auprès de Jean et qui a littéralement fini par le poignarder. Manuel s’est débarrassé de lui pour éviter de plonger lui-même car il était mêlé à une obscure affaire de traffic et de corruption. Une enquête est ouverte et Michel Verta se rend au club de Jean Morane où il fait la connaissance de Bernard (Xavier Deluc), un jeune musicien, blond, mignon, piquant, qui est également rugbyman à ses heures perdues.
Le commissaire va se servir de l’enquête pour revoir ce garçon qui à l’évidence l’attire beaucoup. Au fil des rendez-vous, une certaine séduction se met en place et le désir finit par l’emporter. Pour Michel, quelque chose d’inédit est en train d’arriver : pour la première fois, il ne va pas se débarrasser de son amant après un soir et retourner tranquillement à la maison. Aspiré, il commence à entretenir avec Bernard une liaison, au risque de mettre en péril aussi bien son couple que sa carrière…
Sorti en 1984, La triche se révèle un solide polar français, porté par d’excellentes interprétations. Celle de Victor Lanoux, évidemment, en homme viril, époux et père de famille dont la double vie et le pouvoir vénéneux de la passion vont l’amener à vaciller mais aussi tous les seconds rôles : Xavier Deluc est un objet du désir vif, attachant, hors système, aspirant à la liberté et qui va se retrouver coincé dans une liaison clandestine / Roland Blanche fait un excellent méchant particulièrement détestable / Anny Duperey a quelque chose d’impérial dans sa façon de camper une épouse moderne poussée dans les retranchements de sa tolérance / même Michel Galabru qui apparait brièvement au début marque les esprits.
Subtilement, le long-métrage dévoile la prison d’un homme des forces de l’ordre qui n’arrive pas à assumer sa bisexualité à une époque où celle-ci pourrait tout lui faire perdre. Les enjeux émotionnels / sentimentaux se mélangent parfaitement à une enquête policière qui va joliment monter en intensité jusqu’à un final redoutable.
Outre des personnages bien dessinés et l’aspect divertissant du genre polar qui est ici bien exécuté, La triche séduit aujourd’hui par sa photographie, son grain, sa façon de filmer les lieux et les extérieurs traduisant la dualité d’une soif de liberté et d’un certain emprisonnement (le cabaret, une fête foraine de Province, le garage transformé en appartement de Bernard, le grand appartement bourgeois de Michel, les restaurants de ville où l’on se retrouve vite épié…). Yannick Bellon parvient à tisser une belle atmosphère tout en sondant les moeurs de l’époque et leurs contradictions.
Film sorti en 1984 et disponible sur Prime Video