FICTIONS LGBT

FELLOW TRAVELERS : une série gay magnifique et bouleversante

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Matt Bomer et Jonathan Bailey, acteurs ouvertement gays, nous embarquent pour une grande romance gay sur plusieurs décennies avec Fellow Travelers. Sans trop s’avancer, on peut déjà dire que c’est l’une des plus belles séries à thématique gay de tous les temps et qu’elle fera date. Chef d’oeuvre. 

Fin des années 1940. Joseph McCarthy accède au poste de Sénateur. Lors de la fête célébrant son élection, Hawkins Fuller (Matt Bomer), qui travaille au bureau fédéral de Washington DC, croise le regard d’un inconnu, Tim Laughlin (Jonathan Bailey). Il lui propose un verre, Tim demande un verre de lait, il n’en faut pas plus pour que le charismatique gentleman au physique parfait soit piqué de curiosité. Tim détonne, sa sensibilité et sa vulnérabilité sont palpables. Il est un peu tout l’inverse de lui. Ancien héros de guerre, charismatique, viril, sûr de lui, le regard très droit, Hawkins est un des bons partis sur lequel beaucoup de jeunes femmes aimeraient mettre le grappin dessus. Il se murmure que son coeur serait déjà pris par Lucy Smith (Allison Williams), fille du Sénateur Smith (Linus Roache) qui a plus ou moins recueilli Hawkins et qui fait figure de père de substitution pour lui. Mais si le mariage semble tout tracé, Hawkins y va doucement… Et pour cause : il cache son homosexualité. 

fellow travelers

Jusqu’à sa rencontre avec Tim, Hawkins se contentait de coups rapides dans les toilettes publics ou d’histoires d’un soir avec des hommes rencontrés dans l’un des seuls clubs gays clandestins de la ville. Séducteur, 100% actif, dominant, bestial, il vit son homosexualité comme une totale pulsion qu’il s’efforce minutieusement de dissimuler. Mais Tim n’est pas comme les autres. Si au départ Hawkins s’y intéresse sans doute car il a tout d’une adorable proie, sa fragilité, son coeur pur, son charme, vont faire naitre un attachement quasi-instantané. Et si d’un côté Hawkins se dit que cela ne pourra être qu’une petite liaison, il agit pourtant tout de suite différemment avec Tim, lui permettant notamment d’obtenir un poste d’assistant auprès de McCarthy. Les deux hommes vont devenir amants mais aussi naviguer dans le même univers politique. 

Et quel univers : si les premières scènes de la série montrent Hawkins et Tim célébrer l’élection de McCarthy, celle-ci va bel et bien transformer leur quotidien d’homosexuel dans le placard en pur cauchemar. La tristement célèbre Chasse aux sorcières du Sénateur va se déployer, et sous couvert de traquer les communistes, lui et ses équipes vont chasser les LGBT.  Et cela va se produire alors même que ceux qui font « tomber les LGBT » sont souvent eux-mêmes des LGBT. 

Socialement, Hawkins n’a aucune envie d’assumer sa liaison avec Tim qui lui, on le devine, s’attache rapidement. Les deux amants sont tous les deux à la fois terriblement attirés l’un par l’autre et effrayés par ce désir qui va à l’encontre de leurs ambitions ou croyances. Hawkins ne veut pas gâcher sa carrière, tient à faire la fierté du Sénateur Smith et compte bien épouser un jour Lucy et se fondre dans le moule. Tim, très porté sur la religion, est tourmenté par ce qu’il ressent et qui constitue selon son éducation un pêché. 

Malgré les oppositions, les obstacles, et divers coups du sort, la liaison entre Hawkins et Tim ne pourra jamais s’éteindre et va s’étendre sur plusieurs décennies, constituant pour eux deux la plus grande histoire d’amour de leur vie… 

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Cette mini-série, adaptation du roman de Thomas Mallon a été créée et écrite par Ron Nyswaner (qui avait notamment écrit les films Philadelphia et Free Love). L’ensemble est extrêmement dense et puissant. Fellow Travelers nous fait revivre la période sombre du maccarthysme, de l’homosexualité désignée comme un acte criminel et dégradant, une maladie, dans les années 1940, 50 et un peu aussi dans les années 1960. La première partie de cette fiction très joliment réalisée et pleine de souffle s’accompagne d’un petit côté thriller : double vie, peur d’être démasqué, sensation d’être épié par absolument tout le monde, de ne pouvoir faire confiance à personne. On se méfie même et surtout de ses voisins, on veille à ne pas faire de bruit, si on ne dort pas seul on fait attention à ce que son partenaire sorte en douce avec que les gens ne se réveillent… 

La menace est à la fois au niveau professionnel (l’homosexualité peut briser une carrière) que personnel ( être homo c’est être à l’époque perçu comme un déviant). Culpabilité, refoulement, atmosphère parano, peur de la délation se mêlent alors. C’est le cas évidemment pour Hawkins et Tim mais aussi pour les personnages qui gravitent autour d’eux de près ou de loin (la collaboratrice de Hawkins, secrètement lesbienne (qui vit avec sa compagne qu’elle fait passer pour sa colocataire), et son ami proche journaliste, Marcus (Jelani Alladin) qui cumule le fait d’être gay et noir / mais aussi bien des gens qui gravitent autour de Mc Carthy et du bureau de Washington DC, qui ont tous leur « vilain petit secret »). 

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Cette plongée dans les années du maccarthysme est passionnante et elle va de pair avec la naissance d’un amour passionné et brûlant. Hawkins et Tim sont des contraires qui s’attirent de façon explosive et au lit les étincelles ne manquent pas. Dominateur, Hawkins trouve en Tim un partenaire coquin et docile qui n’hésite pas à le suivre dans ses envies et fétichismes. Leurs rapports oscillent entre étreintes bestiales vertigineuses et moments plus tendres mais toujours chargés d’une folle intensité. C’est sans doute la première fois que l’on voit dans une série d’envergure des rapports intimes entre personnages gays aussi forts, torrides et semblant parfaitement authentiques. Le fait que Matt Bomer et Jonathan Bailey soient tous les deux parmi les rares acteurs d’Hollywood ouvertement « out » amène une saveur particulière. Au-delà de son sujet, par ses images et ses représentations, Fellow Travelers témoigne d’une avancée réjouissante. Ce n’est plus un tabou de représenter dans une fiction mainstream et très bien produite deux hommes amoureux qui par exemple prennent littéralement leur pied dans une sexualité dominant-dominé. Et ça fait tellement plaisir ! L’alchimie entre Matt Bomer et Jonathan Bailey est explosive et on croit tout de suite à leur attraction vibrante et on est complètement embarqués dans leur romance foudroyante qui sera forcément tourmentée étant donné le contexte et l’époque au sein desquels ils évoluent. 

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Si on sent que Tim pourrait tout faire et tout lâcher pour Hawkins, hélas ce dernier est plus lâche, davantage attaché à ses privilèges, son confort, sa réputation, son ambition. Mais quoi qu’il fasse, Hawkins aura toujours envie de revenir vers lui… Et cela va durer, encore et encore, peu importe les événements de la vie et le temps qui passe. 

Le mélange de thriller historique / politique / d’espionnage et de romance gay va peu à peu se transformer en autre chose. Fellow Travelers a beaucoup de facettes et ne s’empêche pas de muter au rythme de ses personnages et des décennies qui défilent : chronique de la libération des années 1970, drame autour de l’avènement du Sida, mélodrame familial et sentimental… Chaque épisode est aussi bon qu’un grand film de cinéma et marque de façon durable et ce jusqu’à un final bouleversant. Tout est exceptionnel : la minutie de l’écriture, la mise en scène, la bande-originale, les décors, l’interprétation (pour le duo principal évidemment mais il faut aussi citer les très belles performances des seconds rôles – Lucy Smith parfaite dans le rôle ingrat de la femme trompée, Jelani Alladin qui permet de montrer ce que c’était que d’être à la fois gay et noir lors de toutes ces décennies mais qui permet aussi de tisser une belle romance secondaire avec là aussi un personnage contraire, celui de Frankie (brillamment interprété par Noah J. Ricketts), queer et combatif…). 

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On a l’impression de voir la vie passer devant nos yeux, avec ses moments magiques, ses doutes, ses drames, ses blessures. Des jeunes années à la vieillesse, les personnages traversent le temps, se transforment, changent, évoluent dans leur façon de penser ou d’être après une multitude d’événements. Et à la fin, ce qui reste, ce sont les yeux mouillés quand on se dit qu’au bout du compte, oui on a eu de la chance car on a croisé un jour cette personne et qu’on a aimé. 

Mini-série produite en 2023 et disponible en France sur MyCanal 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3