CINEMA
FÊTE DE FAMILLE de Cédric Kahn : entre amour et cruauté
Cédric Kahn réunit un joli casting pour « Fête de Famille ». Une fête qui se transforme progressivement en une série de règlements de comptes…
Andréa (Catherine Deneuve) fête son anniversaire dans sa grande maison et sa famille est au rendez-vous. Vincent (Cédric Kahn), son premier fils, est un homme rangé, très responsable, qui mène une vie plutôt tranquille avec sa femme Marie (Laetitia Colombani). Romain (Vincent Macaigne), son autre fils, est pour sa part venu avec sa petite amie du moment, la très belle Rosita (Isabel Aimé Gonzalez Sola), et entend filmer tout ce qui va se passer pour les besoins d’un énigmatique documentaire. Mais les plans vont être bousculés avec l’arrivée surprise de Claire (Emmanuelle Bercot), fille d’Andréa qui avait disparu depuis 3 ans.
Les retrouvailles avec Claire se font sous le signe de l’émotion et de la nostalgie même si elles ne sont pas sans heurt : elle avait laissé derrière elle sa propre fille, Emma (Luàna Barjami), qui est désormais adolescente et qui n’est pas spécialement ravie de la revoir. Surtout, Vincent et Romain restent suspicieux. C’est que Claire est connue pour ses crises et pour être psychologiquement instable. Quand elle s’obstine à réclamer sa part de la maison familiale qui lui est due, les hostilités commencent. Petit à petit, les plaies du passé et les rancoeurs vont éclater.
C’est un joli film tout en contrastes que propose ici Cédric Kahn. On entre dans cette grande et belle maison avec bonheur, s’attendant à un après-midi ensoleillé et joyeux en famille. Mais la pluie qui s’abat nous rappelle que le calme laisse souvent place à la tempête. Et ici la tempête c’est Claire, personnage hautement complexe et explosif campé par une Emmanuelle Bercot qui donne tout quitte à être parfois à la lisière de l’hystérie (mais c’est bien un tour de force d’actrice qu’elle signe là).
Dans un premier temps, Claire apparait libre, sympathique, sensible. Elle a fait des erreurs, elle est un peu fantasque mais on voit ses bons côtés. A l’instar des membres de sa famille, on va finir par ne plus trop savoir quoi penser d’elle. Est-elle simplement une victime qui réclame ce qui lui est dû ou n’est-elle que mensonge et démence ? La réalité est bien évidemment plus complexe et nuancée et à travers son regard nous allons aussi voir la folie et la cruauté contenues et masquées sous les autres membres de sa famille en apparence plus ordinaires.
Tel un équilibriste, Cédric Kahn alterne moments de douceur et de drôlerie et scènes intenses et à vif où ça appuie vraiment où ça fait mal (le summum étant atteint lors d’une scène de diner qui n’est pas sans rappeler « A nos amours » de Pialat). Les comédiens sont tous au top, s’appuyant sur des personnages à la psychologie assez fouillée. La mise en scène est élégante faisant de la maison familiale un personnage à part entière, un terrain où sont enterrés des vérités et des non-dits qui vont rejaillir.
Entre amour et cruauté, la famille est ici comme une chose dont on ne peut se défaire, parfois un équilibre et parfois un élément de destruction. Si la proposition n’est pas forcément originale, elle est très bien menée, bien écrite et solidement interprétée.
Film sorti le 4 septembre 2019